Le test de la zone euro, l'Espagne en ligne de mire (Amundi)

25/01/2011 - 11:25 - Option Finance

(AOF / Funds) - "La zone euro est vraisemblablement en train de vivre le test le plus important de sa jeune histoire : monnaie unique, politique monétaire unique, critères de convergence sont sans conteste des contraintes fortes pour de nombreux pays, mais la situation actuelle va au-delà de simples contraintes d'ajustement", juge Amundi dans sa nouvelle publication mensuelle Cross Asset Investment Strategy. "Il s'agit cette fois-ci de divergences économiques fortes (sans précédent) et de doutes non seulement sur la solvabilité de certains Etats, mais aussi sur la capacité de la zone et de ses institutions à juguler l'emballement de la dette publique, à forcer une vraie discipline budgétaire et à résoudre les difficultés structurelles de certaines économies et/ou de leurs systèmes bancaires. Le test est de taille." "Les écarts entre pays européens ne sont objectivement pas pires que ceux qui caractérisent les Etats-Unis d'Amérique, mais l'absence d'un gouvernement central et d'un budget fédéral sont deux désavantages qui rendent la zone euro plus vulnérable. Le quantitative easing protège le marché américain et le FESF (Fonds Européen de Stabilité Financière), créé au printemps en réponse à la première crise, a dans un premier temps rassuré en Europe." "Pourtant, le FESF ne peut pas absorber les besoins de financement de tous les pays, et notamment ceux de l'Espagne et l'Italie, et l'empressement, justifié, des Etats à venir en aide à l'Irlande a ravivé les craintes de choc systémique, avec une contagion à l'Italie, au Portugal et à l'Espagne. La taille du FESF a de ce fait été au centre des débats, et la confirmation du risque systémique a repris le dessus. Début décembre, l'annonce d'achats par la BCE de dettes périphériques euro a finalement rassuré les marchés, mais cela ne change pas les perspectives de la Grèce ou de l'Irlande, ni celles du Portugal." "On retrouve pour ces pays des similitudes avec des crises passées, notamment avec le défaut argentin de 2001 : devise surévaluée, perte de compétitivité, peu de discipline budgétaire, déficits courants et déficits primaires, perspectives de restructuration de dette désordonnée, situation politique dégradée. Tout sera fait pour éviter des défauts en chaîne, voire des anticipations de délitement de la zone euro ; en effet, sans parler des difficultés techniques d'un éclatement de la zone euro, un tel scénario serait défavorable aux pays périphériques (ils n'auraient plus accès à la liquidité de la BCE, ce qui provoquerait alors une crise de liquidité majeure, avec faillite potentielle du système bancaire, perte de solidarité avec les pays du centre ...)." "Les pays du coeur de la zone euro subiraient les conséquences d'une appréciation de leurs devises contre celles des périphériques dans le scénario extrême d'éclatement de la zone euro. Mais ils ne sortiraient pas non plus indemnes d'un défaut souverain au sein de la zone, compte tenu de l'exposition de leurs banques aux dettes souveraines périphériques. La BCE a certes encore des marges de manoeuvre qu'elle ne souhaite pas exploiter, du moins pour l'instant. Nous pensons qu'une issue favorable sera trouvée pour la zone euro, et cela pour plusieurs raisons." "Les pays européens ont toujours opté pour l'option de solidarité à chaque fois que des problèmes majeurs se sont présentés. Il n'y a pas de problème de solvabilité pour des pays comme l'Espagne ou l'Italie et les difficultés de l'Irlande, de la Grèce et du Portugal sont déjà assurées par le Fonds européen de stabilité financière à horizon mi-2013. La situation et les montants à garantir sont gérables pour peu que les grands pays s'engagent à sauvegarder le système. La BCE n'a pour l'instant pas été très active dans les achats de dettes périphériques (74 milliards d'euros depuis mai) et elle est susceptible d'augmenter la cadence si besoin est. La BCE a d'autres cartes en main, comme le quantitative easing. Cette dernière option constituerait une vraie révolution pour la BCE, et ne serait de notre point de vue choisie qu'en tout dernier recours (prévention d'un risque systémique). Les pays du noyau dur n'ont pas d'autre issue que de porter secours aux autres pays de la zone euro, tant il y a d'imbrications entre les dettes des Etats et les systèmes bancaires." "Au total, et en dépit des dissensions actuelles, il est probable que les Européens soient capables (d'ici fin mars) de proposer un plan de stabilité financière accepté et crédible. La restructuration de la dette grecque semble malgré tout inévitable, et il n'est pas impossible que l'Irlande ou le Portugal soient forcés de faire de même. La restructuration n'est pas un acte anodin, et les expériences passées montrent que c'est un processus long, itératif (négociations entre émetteur et investisseurs), souvent désordonné en l'absence de clauses d'actions collectives." "A noter que le poids des investisseurs non domestiques est très important dans le cas de la Grèce, de l'Irlande et du Portugal (entre 75% et 85%), mais parmi les investisseurs non domestiques, on retrouve au premier plan les pays de la zone euro, intégration monétaire exige. Tout cela explique pourquoi les pays européens du noyau dur n'ont pas véritablement d'autre issue que d'aider les pays périphériques. Tout cela explique aussi pourquoi les risques spécifiques deviennent assez rapidement des risques systémiques euro, avec une baisse de l'euro, un élargissement de tous les spreads de crédit souverain. A noter toutefois que, suite à la création du FESF, qui a institué de facto une solidarité possible des dettes, le Bund allemand a cessé de jouer son rôle de valeur refuge." "Parmi les pays périphériques, l'Espagne occupe une place à part. Quelle que soit la mesure retenue, le poids de l'Espagne est en effet plus important que celui de la Grèce, de l'Irlande et du Portugal réunis. D'une part, le PIB de l'Espagne représente 11,4% du PIB de la zone euro (vs 8,2% pour les trois autres pays). D'autre part, la dette publique espagnole représente 8,6% de la dette publique totale des Etats de la zone euro (vs 7,7% pour les trois autres Etats). L'Espagne mérite donc une attention toute particulière." "En dépit d'une récession de même ampleur en Espagne que dans le reste de la zone euro, le taux de chômage s'y est envolé à près de 20%. En cause, l'éclatement de la bulle immobilière. Depuis le début de la crise, les destructions d'emplois dans le secteur de la construction expliquent plus de la moitié des destructions d'emplois totales. Or la crise immobilière est loin d'être achevée : l'offre de logements demeure surabondante, et leurs prix ont encore insuffisamment baissé (-13%) au regard des revenus des ménages. C'est le régime de croissance qui est en question. Les gains de productivité sont faibles et les hausses de salaires consenties par le passé ont engendré une forte augmentation des coûts salariaux unitaires qui pénalisent les entreprises espagnoles." "En outre, les ménages et les entreprises se sont puissamment endettés pendant la crise. Sur le plan macroéconomique, ceci se traduit par un déficit courant très important. Il en résulte que l'Espagne possède désormais l'une des dettes externes les plus élevées des pays avancés, qui la place dans le même camp que la Grèce et le Portugal ! Dit autrement, l'Espagne devra tôt ou tard dégager des excédents courants pour stabiliser sa dette externe (de même que la Grèce et le Portugal). En l'absence de possibilité de dépréciation du change nominal, l'ajustement par les prix relatifs et l'amélioration de la productivité seront les uniques solutions. Par ailleurs, le secteur bancaire demeure particulièrement fragile." "Il faut conserver à l'esprit qu'il faudra encore de nombreuses années pour que le secteur privé se désendette, que la compétitivité se redresse, et que le secteur bancaire soit assaini. En définitive, la phase de transition s'annonce douloureuse et incertaine. Pour l'heure, la reprise s'effectue conformément aux attentes. La Commission européenne anticipe une croissance de 0,7% en 2011 et 1,7% en 2012, soit un niveau de croissance très inférieur à celui enregistré en moyenne durant les quinze années qui ont précédé la crise (3,1%)." "Dans ces conditions, les doutes des investisseurs nourrissent une prime de risque très élevée sur les emprunts d'Etat. La prime de CDS sur l'Etat espagnol, à 360pb le 11 janvier, est proche de son plus haut niveau historique. Nul doute que tout manquement à la discipline budgétaire serait lourdement sanctionné par les marchés. Le gouvernement ne dispose plus guère de marges de manoeuvre en termes de politique budgétaire. L'Espagne a connu l'un des accroissements de déficit public les plus marqués de la zone euro et, d'ici quelques années, la dette publique aura doublé (passant de 40% du PIB en 2007 à près de 80% du PIB d'ici à 2015 selon nos calculs)." "Davantage que son niveau, c'est la vitesse de la montée de l'endettement public qui préoccupe les investisseurs. Or ces derniers comprennent bien que la taille actuelle du FESF serait insuffisante pour venir en aide à l'Espagne en cas de besoin. C'est l'une des raisons qui expliquent la sanction des marchés : le spread souverain 10 ans (à 256pb le 11 janvier) est proche de son plus haut niveau (283pb, atteint le 30 novembre)." "La crise souveraine européenne est un facteur de risque majeur pour les marchés de taux et pour l'euro (être short euro contre dollar US est d'ailleurs une bonne protection contre une dégradation supplémentaire de la crise de dette souveraine euro), mais elle ne doit pas masquer le fait que la situation économique s'est assez nettement améliorée au cours de ces derniers mois, grâce notamment aux actions des banques centrales, Fed en tête, qui ont injecté beaucoup de liquidités." AUT/ALO