Taux : se préparer à l'aplatissement sur le segment 2-10 ans (Amundi)

25/01/2011 - 16:41 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Parler de bulle sur le marché de la dette gouvernementale est excessif, tant il est aisé d'expliquer les raisons de la chute des rendements obligataires : des taux courts extrêmement bas, une récession très sévère suivie d'une reprise économique molle dans les grands pays développés, une inflation basse, des programmes de quantitative easing de grande envergure se traduisant pour l'essentiel par des achats d'emprunts d'Etat, autant de facteurs qui ont poussé les taux longs vers des niveaux extrêmement bas", note Amundi. "Pour autant, on ne saurait négliger le fait que le risque est aujourd'hui très asymétrique, non plus cette fois sur les obligations corporates, mais sur la dette gouvernementale." "Le risque de baisse des taux est sans doute désormais limité, mais le risque de hausse est bien plus facile à appréhender, et il dépend de sept facteurs bien identifiés et distincts : une accélération de la croissance ; une hausse de l'inflation ou des anticipations d'inflation ; un renversement des politiques monétaires via une hausse précoce des taux directeurs ; l'abandon des programmes de quantitative easing, à l'origine, selon diverses études, d'une baisse de 100pb environ sur les parties longues de la courbe ; une chute du dollar américain ; une erreur de communication de la Fed ; un mouvement de défiance des investisseurs étrangers envers les actifs de dette américaine." "Même si le risque est nettement identifié et fortement asymétrique, ce n'est pas du côté de l'inflation ou de la croissance actuelle, de la politique monétaire qu'il faut chercher les catalyseurs d'un krach ni du côté des investisseurs chinois. Le rythme d'achat par la Chine par exemple, de titres du Trésor américain a très nettement fléchi depuis plusieurs trimestres sans dommage pour le marché. Ceci s'explique par les flux d'achats de titres du Trésor par la Fed. Le 3 novembre, la Fed a annoncé un nouveau programme d'achat de titres : 600 milliards de dollars d'ici à la fin du juin 2011 qui viennent s'ajouter aux réinvestissements de MBS venant à maturité." "Ce programme a été confirmé lors du FOMC du 14 décembre. Plus de la moitié du déficit fédéral sera financée par création monétaire en 2011. Et si l'on ajoute les achats qui correspondent aux réinvestissements de MBS qui viennent à maturité (estimés compris entre 250 et 300 milliards de dollars par la Fed), cela porte à près de 75% la part du déficit fédéral de 2011 qui sera financée par les achats de titres de la Fed : du jamais vu dans l'histoire monétaire des Etats-Unis. Dans ces conditions, un krach obligataire nous semble hautement improbable... du moins tant que dure le QE." "Les craintes sur le dollar, et le besoin d'un rendement additionnel pourraient en revanche être de bons catalyseurs pour une correction. Un autre facteur important sera sans doute la capacité de la Fed a bien accompagner les inflexions de politiques monétaires (la hausse des taux de 1994 s'était traduite par un krach obligataire, mais pas celle de 2004). L'accompagnement de la fin du quantitative easing est sans aucun doute un enjeu essentiel pour la Fed. Un krach obligataire est cependant peu vraisemblable tant que dure la phase de surliquidité mondiale." "A court terme, le krach obligataire n'est pas une menace (pas de pressions inflationnistes, dette publique soutenable). Si les acteurs privés vendent leurs emprunts d'Etat, la Fed se mettra en face pour contenir toute remontée des taux longs. De ce point de vue un élargissement du QE2 (un QE3) est même possible si la hausse des taux longs menaçait de mettre en péril la reprise observée. Mais la menace reste entière à un horizon plus long. Le QE2 rendra périlleuse la normalisation monétaire que l'on anticipe à l'horizon 2012... " "A l'intérieur de la Fed, le débat est très vif quant à l'utilisation (excessive ?) du QE, sur les effets à long terme très incertains. L'objectif explicite de la Fed est d'inonder le marché de liquidités, d'assécher le marché de titres du Trésor américain pour inciter les investisseurs à se reporter sur d'autres actifs. Dans ces conditions, le risque est de faire monter artificiellement le prix de nombreux actifs simultanément. Le paradoxe étant que la pseudo-bulle obligataire persiste et s'accompagne de véritables bulles sur d'autres actifs dans les mois qui viennent (matières premières, crédit...)." "Il est utile de rappeler quelques métriques simples de valorisation des taux longs. Les modèles de valorisation ne donnent pas aujourd'hui une grande marge d'appréciation au taux à long terme américains, dont la valeur d'équilibre ressort à 3,25%. Une règle d'or (règle selon laquelle le taux à long terme et la croissance du PIB nominal tendent à s'égaliser sur longue période) donne un résultat voisin. En effet, selon les comptes nationaux, la croissance du PIB nominal qui s'élevait à 5,0% en moyenne sur les vingt-cinq dernières années, tombe à 4,0% sur les dix dernières années et à 3,0% sur les cinq dernières années !" "Quel est alors le véritable risque ? Sans aucun doute une remontée des anticipations d'inflation ou une plus grande volatilité de ces anticipations. Il faudra alors se prémunir en achetant des obligations indexées sur l'inflation. Les points morts d'inflation ont retrouvé leur niveau moyen sur les maturités longues, mais pas sur le 5 ans. Un regain d'anticipation d'inflation à cet horizon nous semble probable en 2011. Une telle politique pose de redoutables défis aux allocataires d'actifs. Que vont faire les grands investisseurs institutionnels américains ? Vendre leurs emprunts d'Etat et aller chercher du rendement sur d'autres classes d'actifs ? Et si oui, vers des actifs nationaux ou des actifs étrangers ?" "La Réserve fédérale escompte explicitement un impact sur le prix des actifs financiers (actions et obligations d'entreprises). Le rééquilibrage de portefeuilles est au coeur de son approche. La Fed table implicitement aussi sur une compression supplémentaire des spreads de crédit. Les achats sont censés offrir une garantie aux opérateurs de marchés que les taux longs ne menacent pas de remonter brutalement..." "En ce qui concerne la zone euro, la BCE s'est récemment trouvée contrainte de retarder son calendrier de normalisation en raison de l'intensité de la crise des dettes souveraines. Malgré le répit récent obtenu grâce aux rachats d'emprunts d'Etat des pays périphériques, il nous semble très improbable que la BCE cherche à préparer le terrain à la normalisation de sa politique avant le printemps prochain. Dit autrement, la Fed et la BCE ne peuvent pas facilement faire référence à la normalisation des politiques monétaires : avant de relever les taux, la Fed doit gérer au mieux la fin du quantitative easing, tandis que la BCE doit sans aucun doute attendre une atténuation de la crise de dette souveraine avant de pouvoir redevenir restrictive." "Cette situation ne sera pas sans conséquence pour les marchés obligataires, et il faut craindre que les marchés ne viennent à considérer que les banques centrales américaine et européenne ne soient trop derrière la courbe. Les stratégies de pente sont-elles davantage porteuses que les stratégies directionnelles ? Un aplatissement de la courbe des taux, typique des épisodes de normalisation monétaire, nous semble s'annoncer pour 2011, mais probablement pas avant le printemps. En la matière, le signal sera donné aux Etats-Unis par la communication de la Fed." "En particulier, tout propos de ses membres sur la possibilité d'un abandon, dans le communiqué du FOMC, de la phrase +les taux resteront exceptionnellement faibles pendant une période prolongée+ enverrait un signal fort aux marchés. Les taux à 2 ans remonteraient immédiatement, entraînant dans leur sillage, mais dans une moindre mesure, l'ensemble des taux d'intérêt de maturité plus longue. Un tel changement nous semble toutefois improbable avant la fin de l'actuel programme de quantitative easing (fin juin 2011)." "Aux Etats-Unis, la pente de la courbe sur le segment 2-10 ans (près de 280pb le 11 janvier) n'est qu'à quelques points de base de son pic historique (290pb). A court terme, ce dernier devrait agir comme un butoir pour les marchés. Le segment 10-30 ans, qui évolue en opposition de phase avec le segment 2-10 depuis plusieurs mois, s'est d'ores et déjà bien aplati sur la période récente après avoir atteint un plus haut historique (113pb le 11 janvier vs un pic à 164pb le 10 novembre). En l'absence de remontée plus marquée du taux 10 ans, il nous semble improbable que les mouvements de pentification sur le 2-10 ans et d'aplatissement sur le 10-30 ans se poursuivent. Les craintes sur la soutenabilité des finances publiques américaines pourraient même conduire à une repentification du 10-30 ans aux Etats-Unis." "Par ailleurs, dans les pays du coeur de la zone euro, la mise en place d'une stratégie visant à tirer profit d'une pentification du segment 10-30 ans pourrait permettre de se prémunir contre une aggravation de la crise des dettes souveraines. En effet, en cas de risque systémique, la BCE n'aurait pas d'autre choix que de monétiser les dettes publiques. Or on observe que tous les pays qui ont adopté puis mis en place des stratégies de quantitative easing (Etats-Unis, Royaume-Uni, Japon) ont vu ce segment de la courbe des taux se pentifier. La raison ? Probablement le fait que les opérateurs comprennent bien que l'inflation, à très long terme, est un phénomène exclusivement monétaire..." "Compte tenu du niveau historiquement faible des taux directeurs des banques centrales, et même si un changement de leur part est tout sauf imminent, il nous semble judicieux de préparer les portefeuilles obligataires à un mouvement d'aplatissement de la courbe des taux sur le segment 2-10 ans de part et d'autre de l'Atlantique, et ce bien avant que les banques centrales ne communiquent sur la normalisation de leur politique monétaire. Il est en effet très probable que dans le cycle actuel, les banques centrales du G4 se retrouvent en définitive derrière la courbe." AUT/ALO