Passage d'un monde désinflationniste à un monde inflationniste ? (Natixis)

21/02/2011 - 10:39 - Option Finance

(AOF / Funds) - "L'inflation dépasse, en zone euro et au Royaume Uni, les objectifs officiels (respectivement 2,4% contre 2% et 4% contre 2%). Aux Etats-Unis, l'inflation sous-jacente publiée cette semaine reste faible, mais a tout de même augmenté plus fortement que prévu. On entend de plus en plus de commentaires de banquiers centraux laissant entendre que leur vigilance s'est accrue", avançait René Defossez de Natixis. "Lorenzo Bini Smaghi, de la BCE, disait (vendredi, ndlr) qu'avec le reprise graduelle de la conjoncture et l'augmentation des pressions inflationnistes globales, le caractère accommodant de la politique monétaire doit être surveillé davantage et, si nécessaire, corrigé. Ces commentaires semblent finalement assez proches du pricing actuel du marché, selon lequel des hausses de taux directeurs pourraient survenir assez rapidement au Royaume Uni, en zone euro, voire aux Etats-Unis." "Il reste toutefois un mismatch important entre, d'une part, ces anticipations de marché, d'autre part les documents officiels (minutes de la BoE, commentaires de la BCE et de la Fed après les réunions de politique monétaire). Ces derniers, à des degrés divers, restent plutôt, voire franchement, dovish (même si dans certains cas on perçoit une légère évolution rhétorique dans un sens un peu moins accommodant)." "Partout, des procès en crédibilité commencent à apparaître. C'est tout particulièrement vrai au Royaume Uni, où Mervyn King avait accueilli très chaleureusement les mesures budgétaires prises par le nouveau gouvernement. Pour le marché, il s'agissait là d'une forme d'allégeance, qui pouvait laisser supposer que la politique monétaire allait être dédiée à la réussite de ce programme budgétaire. Autrement dit, il s'agissait, toujours selon le marché, d'une grosse entorse à l'indépendance de la BoE, à sa crédibilité anti-inflationniste, au moment le plus inopportun possible, puisque l'inflation totale dépasse son objectif depuis décembre 2009, et sa limite supérieure (3%) depuis janvier 2010, tandis que l'inflation sous-jacente s'affiche désormais à 3% (chiffres de janvier 2011)." "La position officielle, pour l'instant, est que les taux ne bougeront pas en l'absence de passthrough. Mais les investisseurs ne posent plusieurs questions : le niveau extraordinairement faible des taux directeurs, et les politiques non conventionnelles, avaient pour objectif de répondre à une situation exceptionnelle (crise de liquidité interbancaire, de liquidité de marché, situation économique très dégradée). Sommes-nous toujours dans une situation exceptionnelle ? Beaucoup en doutent : les spreads bor-OIS 3 mois, qui mesuraient l'importance de la crise de liquidité, sans être revenus à leurs niveaux d'avant-crise, se sont clairement normalisés. La Fed a depuis longtemps abandonné tous les programmes du credit easing policy. Et les croissances économiques semblent s'être bien reprises. Ceci, ajouté aux niveaux d'inflation évoqués plus haut, ne justifie plus, selon beaucoup, les politiques de taux zéro (ou presque)." "Le choc inflationniste actuel est essentiellement imputable au prix des matières premières. Et ce prix des matières premières est une donnée totalement exogène pour la BCE, la BoE ou la Fed : des changements d'orientation monétaire en zone euro, au Royaume Uni ou aux Etats-Unis n'auraient qu'un impact très limité sur le prix du brut, déterminé surtout par le comportement des producteurs et la demande en provenance des grands pays émergents. Autrement dit, cette hausse du prix des matières premières se serait produite dans n'importe quel environnement économique dans ces trois pays. D'un côté, on peut donc se demander quel intérêt il y a à durcir les politiques monétaires, dans la mesure où cela ne neutraliserait pas l'origine de la poussée inflationniste. Le risque serait de sombrer dans un équilibre stagflationniste. De l'autre, le maintien de politiques monétaires très accommodantes, qui consistent notamment à créer beaucoup de liquidités, alimente sans doute les bulles, et en particulier la hausse du prix des matières premières. Dilemme..." "Est-on en train de changer de paradigme ? le monde passerait-il doucement d'un équilibre désinflationniste à un équilibre inflationniste ? Les banques centrales doivent-elles adapter leurs politiques à ce nouveau paradigme ?" AUT/ALO