Les hausses de taux impuissantes face à un épisode de stagflation (Natixis)

02/03/2011 - 10:40 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Les banques centrales modernes ont comme objectif principal la stabilité des prix, mais lorgnent tout de même sur le plein emploi (parfois explicitement, comme la Fed). Au cours des derniers cycles des affaires, elles ont rarement été en conflit d'objectif, puisque l'inflation augmentait en même temps que la croissance et vice versa. L'ISM et l'ISM prix payés sont bien corrélés aux Etats-Unis", relève René Defossez de Natixis. "Il y a eu néanmoins quelques exceptions, la plus récente se situant en 2008, quand l'ISM prix payés s'envolait en raison de la hausse du prix des matières premières, tandis que l'activité s'effondrait. Cette exception est intéressante. La poussée inflationniste était liée à un phénomène a priori non contrôlable par la Fed, la BCE ou la BoE (a priori seulement, car les excès de liquidité ont sans doute en partie alimenté la bulle sur le prix des matières premières)." "Parmi les risques auxquels les banquiers centraux pourraient être confrontés, il y a bien celui-ci : une économie qui ne redémarre pas, qui souffre de la hausse du prix du brut, car celle-ci ponctionnerait le pouvoir d'achat des ménages (même en légère baisse, le taux de chômage en zone euro est encore de 9,9%, soit proche de ses plus hauts. Idem aux Etats-Unis, où il s'affiche à 9%) et en même temps une inflation trop forte, stimulée par la hausse du prix des matières premières que les entreprises répercutent au moins partiellement dans leurs prix à la production." "Le pays qui illustre, aujourd'hui, le mieux ce risque est le Royaume Uni, où le PIB baissait de 0,6% T/T au dernier trimestre de l'année dernière, et où l'inflation atteignait 4% (contre une cible de 2% et une limite supérieure de 3%). L'exception de 2008 pourrait très bien devenir la règle des prochaines années. La hausse du prix des matières premières semble être une tendance lourde, entretenue à la fois par la demande en provenance des pays émergents, des capacités de production disponibles volontairement ou involontairement non exploitées et par la spéculation." "Plus récemment, la situation dans le monde arabe, en particulier en Libye, a contribué à propulser le Brent au dessus de 110 dollars (ce dernier a même temporairement frôlé 120 dollars). Cette instabilité géopolitique semble durable. Une partie de ce choc serait forcément transmise aux indices de prix à la consommation. Les banques centrales américaine ou européennes ne pourraient pas faire grand-chose contre ce choc, puisqu'il serait déterminé, on l'a vu, par la demande en provenance des pays émergents et les comportements d'offre." "Mais pour faire en sorte que les anticipations inflationnistes restent stables, ces banques centrales pourraient tout de même être tentées d'augmenter leurs taux. Cette augmentation des taux ne contribuerait guère à contrôler l'inflation (il n'y a pas, et il ne peut pas y avoir, en zone euro, aux Etats-Unis ou au Royaume Uni, d'effet de second tour qui pousserait les salaires à la hausse, puisque le marché du travail est très dégradé). En revanche, elle déprimerait encore un peu plus l'activité, et conforterait les économies américaine et européennes dans la stagflation." "Certes, pour l'instant, les chiffres de conjoncture sont plutôt favorables. L'Allemagne, en particulier, se distingue, en zone euro, par la robustesse de sa conjoncture (mais les divergences au sein de cette zone n'ont jamais été aussi importantes). Les PMI sont un peu partout supérieurs à 50. Mais en l'absence d'amélioration significative de la situation dans les marché du travail, compte tenu de capacités de production toujours excédentaires, et en raison de la nécessité de remettre partout de l'ordre dans les finances publiques, la croissance pourrait assez rapidement montrer à nouveau des signes de faiblesse." "En 2012, la croissance ne devrait être que de 2,2% aux Etats-Unis, contre 2,5% en 2011. En zone euro, elle ne serait que de 1,5%. Au Royaume Uni, elle pourrait n'être que de 1,3%. Le paradoxe, c'est que les inflations seront inversement proportionnelles aux rythmes de croissance (respectivement 1,4%, 1,5% et 2,2%). Les inquiétudes du marché vis-à-vis de l'inflation se voient au travers des points morts d'inflation : ceux des obligations indexées à 10 ans ont retrouvé leur niveau moyen de long terme, et les courbes de points morts d'inflation se sont considérablement aplaties." "Les banques centrales surveillent évidemment ces anticipations, et s'il devait y avoir poursuite de la hausse des points morts d'inflation, elles seront contraintes de durcir leur politique monétaire pour deux raisons au moins : les banques centrales veulent ancrer les anticipations inflationnistes ; en augmentant, la prime inflation pousserait les rendements obligataires vers le haut. Or ces rendements sont une mesure de la crédibilité anti-inflationniste des banques centrales." AUT/ALO