Quatre risques planent sur l'optimisme des marchés (Natixis)

07/03/2011 - 17:31 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Les investisseurs ont manifesté beaucoup d'optimisme depuis la fin de 2010 et jusqu'à la crise libyenne, ce qui s'était traduit par la remontée des Bourses, de l'euro, la réduction des primes de risque sur les dettes souveraines des pays de la zone euro en difficulté, la pentification des courbes des taux d'intérêt, le recul du prix de l'or. La crise en Libye semble interrompre ces tendances. Nous pensons effectivement que les investisseurs avaient oublié trop vite que les menaces n'ont pas disparu", met en garde Natixis. Le gestionnaire cite les menaces suivantes : "ralentissement de la croissance dans les pays émergents, en particulier avec la réaction des politiques monétaires à l'inflation ; absence de solution définitive à la crise de la zone euro, qui est une crise de solvabilité et non de liquidité ; effets très négatifs de la hausse des prix des matières premières sur la croissance des pays de l'OCDE et sur la stabilité des pays émergents ; caractère artificiel de la reprise de l'économie américaine et bien sûr risques géopolitiques (extension de la crise libyenne...)". "En février, il y a remontée à nouveau de ces primes ; remontée des taux d'intérêt à long terme jusqu'à la crise en Libye, ce qui exprime aussi l'optimise sur la croissance ; correction à la baisse du prix de l'or en janvier 2011, ce qui montre la baisse de l'aversion pour le risque à cette date, puis remontée du prix de l'or. Nous pensons que les réactions optimistes du début de 2011 étaient trop rapides et trop superficielles, et avaient négligé la présence persistante de menaces." "Il est clair que la croissance ralentit dans les pays émergents, ce qui peut venir de plusieurs causes : la fin du restockage ; l'appréciation des devises des pays émergents ; les politiques monétaires plus restrictives dues à la hausse de l'inflation. Le ralentissement de la croissance des émergents va certainement affecter la croissance des pays de l'OCDE et la croissance des entreprises ayant des chiffres d'affaires importants dans ces pays." "L'optimisme grandissant sur la situation des dettes souveraines de la zone euro est venu de l'engagement des européens et du FMI à prêter des quantités très importantes aux pays en difficulté (par l'EFSF, l'UE, le FMI...) ; du succès d'un certain nombre d'émissions obligataires ; de la réduction observée des déficits publics, sauf au Portugal. Cet optimisme vient de l'analyse de la crise comme étant une crise de liquidité : les pays remettent en ordre leurs finances publiques, et, lorsque ce sera fait, ils pourront à nouveau émettre normalement sur les marchés financiers ; en attendant, il faut que des investisseurs publics leur prêtent à la place des investisseurs privés." "Mais en réalité cette crise est une crise de solvabilité : les pays en difficulté ne pourront pas stabiliser leurs taux d'endettement publics, ce qu'on peut expliquer par la faiblesse de leur croissance (désendettement du secteur privé, réduction du déficit public) ; par les recapitalisations nécessaires des banques (Irlande, Espagne) ; par la désindustrialisation, qui implique que ces pays ont des déficits extérieurs structurels, donc qu'ils ne peuvent pas arrêter de s'endetter." "Rien n'a encore été mis en place pour répondre à une crise de solvabilité, ce qui nécessiterait l'installation du fédéralisme (fiscal, financier). Ce qui a été décidé repousse dans le temps simplement l'observation de ce qu'il s'agit d'une crise de solvabilité." "La hausse des prix des matières premières est due à une multiplicité de causes : la forte croissance de la liquidité aux Etats-Unis, dans les pays émergents et exportateurs de pétrole avec l'accumulation à nouveau de réserves de change; la forte croissance de la demande de matières premières dans les pays émergents ; le contrôle de la production par les pays exportateurs, clair par exemple dans le cas du pétrole." "Les prix élevés des matières premières ont des effets extrêmement négatifs que les marchés financiers semblent aujourd'hui ignorer : réduction de la croissance dans les pays de l'OCDE, où les salaires ne s'indexent plus sur les prix ; crise sociale dans les pays émergents où le poids de l'alimentation et de l'énergie dans la consommation est très élevé." "Le prix des matières premières augmente au delà du rationnel et conduit l'économie mondiale à une stagflation d'un nouveau genre. On ne sait juger du caractère durable ou non du choc inflationniste. Néanmoins à court terme, il n'est pas immédiatement défavorable aux marchés actions, les salaires n'étant plus indexés, et fera aplatir les courbes de taux." "Dans un scénario central, où désormais le Brent revient à 95 dollars le baril en fin d'année pour s'y tenir plus ou moins sur 2012, les banques centrales ne devraient pas réagir par des hausses de taux avant le premier trimestre 2012 pour la BoE, le deuxième trimestre pour la BCE et le troisième trimestre pour la Fed. Tandis que nombreux émergents hors Amérique latine sont aux prises de l'agflation, le nouveau choc pétrolier touche plus particulièrement les économies développées. Le frein qu'il exerce sur la croissance sera plus important en 2012 que cette année. La seconde incertitude est la poursuite ou non du Quantitative Easing aux Etats-Unis après juin. Une réaction des taux longs n'est pas à exclure." "La reprise de l'économie américaine est claire, et contribue à l'optimisme des marchés. Mais il faut réaliser que cette reprise ne vient pas des facteurs normaux : il n'y a pas reprise du crédit, ni de l'immobilier résidentiel, ni des salaires par tête avec la déformation du partage des revenus au détriment des salariés. La reprise vient essentiellement des déficits publics et du soutien qu'ils apportent au revenu des ménages, ce qui montre que les investisseurs ne devraient pas tabler sur une reprise solide et durable de l'économie américaine." AUT/ACT