Les T-note devront offrir une prime de risque plus élevée à l'avenir

15/03/2011 - 17:52 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Avec la normalisation monétaire qui se profile aux Etats-Unis, certains observateurs commencent à nouveau à craindre un krach obligataire outre-Atlantique, à l'instar de celui qui s'était produit en 1994. Ce n'est pas tant la remontée brutale des taux directeurs que ces derniers craignent, mais dans un contexte de déficit budgétaire élevé, le manque d'appétence des investisseurs pour les emprunts d'Etat à long terme à des taux d'intérêt jugés trop faibles", note Amundi. "Ces craintes sont d'autant plus marquées qu'en dépit des achats massifs de titres du Trésor réalisés par la Fed dans le cadre de son programme d'achat d'actifs (QE2), les taux d'intérêt se sont nettement appréciés outre-Atlantique depuis l'été dernier." "Selon nos calculs, si l'on ne comptabilise pas les achats de titres du Trésor liés au programme de réinvestissement des titres MBS venant à maturité, la Fed a effectué à peine plus de 40% de son programme d'achat de 600 milliards de dollars qui expire fin juin 2011. Dans ces conditions, la menace n'est pas immédiate mais il est naturel de s'interroger sur la capacité d'absorption de l'offre de titres à compter du second semestre." "Le déficit du budget fédéral projeté par le Congrès américain sera de 1.480 milliards en 2011 (9,8% du PIB), après 1.294 milliards en 2010 (8,9% du PIB). Au moment où la Fed interrompra ses achats de titres, la question qui se pose est donc de savoir si les investisseurs (nationaux et étrangers) désireront absorber les flux de nouvelles émissions aux taux d'intérêt actuels." "En 2010, les investisseurs étrangers (banques centrales asiatiques essentiellement) ont continué d'acheter une part significative des nouvelles émissions de bons du Trésor (environ 50%). Malgré cela, certains investisseurs (observant que la Chine a très nettement ralenti ses achats de titres du Trésor en dépit d'un surplus commercial record avec les Etats-Unis) craignent que ce segment de demande ne se tarisse." "Les observateurs se concentrent toutefois à tort sur la seule demande étrangère, omettant le rôle joué par le rééquilibrage en cours des portefeuilles des agents domestiques aux Etats-Unis. Sur le plan national, les ménages ont acheté près de 20% des nouvelles émissions en 2010 et le secteur financier plus de 30% (dont les deux tiers par les banques et les fonds de pension privés). Cette situation découle non seulement d'une augmentation de l'épargne des ménages, mais aussi d'une stratégie d'allocation plus prudente de l'ensemble des résidents. Les ménages américains sont ainsi déjà revenus fin 2010 à l'allocation moyenne observée entre 1985 et 2010 (avec 2,4% de leurs actifs détenus en titres du Trésor après un point bas de 0,8% en 2008)." "C'est désormais du côté du secteur financier que réside la source de demande potentiellement la plus importante. Les banques commerciales, les compagnies d'assurance ou encore les fonds de pension détiennent encore un stock (rapporté à l'ensemble de leurs actifs) de titres du Trésor très en deçà de la moyenne de long terme. Pendant la dernière décennie, le secteur financier (en quête de rendement) avait abaissé son exposition aux emprunts d'Etat. Prenons à titre d'exemple les seules banques commerciales : l'évolution attendue de la réglementation va les conduire à adopter une attitude beaucoup plus prudente. Or les titres du Trésor représentent moins de 2% de leurs actifs en 2010 contre 4,6% en moyenne au cours de 25 dernières années et 12,3% au cours des 50 dernières années." "Un retour à la moyenne historique de longue période (12,3%) représenterait des achats potentiels de plus de 1.500 milliards, soit plus d'une année d'émissions ! En appliquant la même règle aux ménages, c'est près de 500 milliards que ces derniers pourraient encore acquérir. Ceci n'exclut pas que la normalisation monétaire s'accompagne d'une pression haussière sur les taux longs, mais passé un certain niveau (probablement compris entre 4 et 5%), le couple rendement-risque apparaîtra probablement très attractif aux yeux de nombreux investisseurs. Dit autrement, le rééquilibrage des portefeuilles des résidents nous semble offrir un solide rempart contre une remontée brutale des taux à long terme, à tout le moins pour les années 2012-2013." "A plus long terme néanmoins, une fois la reprise consolidée, les ménages auront assaini leur bilan et les autres investisseurs résidents estimeront alors qu'ils détiennent suffisamment de bons du Trésor. De leur côté, les banques centrales étrangères vont inévitablement diversifier leurs réserves de change au profit de devises autres que le dollar. A cet horizon, il faudra donc que le déficit fédéral américain soit beaucoup plus faible qu'il ne l'est aujourd'hui." "Compte tenu des projections du CBO (-4,1% du PIB en moyenne de déficit entre 2012 et 2016, -3,6% entre 2012 et 2021), il y a fort à parier que les emprunts d'Etat américains devront offrir une prime de risque structurellement plus élevée que par le passé pour attirer les investisseurs, et ce d'autant plus que les pressions inflationnistes se manifesteront à mesure que la reprise économique s'enracinera et que les excès de capacité se dissiperont." "En définitive, on comprend dès lors la volonté des autorités américaines de rassurer dès à présent les investisseurs quant à la soutenabilité de la dette fédérale. Car en matière de finances publiques comme en toute autre matière, il ne saurait y avoir de free lunch et, contrairement à la maxime de Keynes, à long terme nous ne serons pas tous morts !" AUT/ALO