Se méfier de l'inflation américaine avant d'acheter des bons du Trésor

16/03/2011 - 12:13 - Option Finance

(AOF / Funds) - "L'inflation est toujours et partout un phénomène politique, l'argent est seulement le vecteur. S'agissant du risque d'inflation réelle aux Etats-Unis, il suffit de considérer le coût croissant du système de santé américain, la dépendance des finances publiques américaines à des taux d'intérêt historiquement bas et la classe politique populiste animée par le besoin d'atténuer la souffrance électorale à court terme", note SG Cross Asset Research, s'interrogeant sur les solutions possibles. "Dans l'intervalle, le rendement de 3,5% des bons du Trésor n'offre qu'une rémunération limitée." "Quelles sont les causes de la désinflation des trente dernières années ? Les hommes politiques citeront l'indépendance accordée aux banques centrales. Pourtant, la première expérience en la matière n'a commencé que dix après le début de la période de désinflation lorsque le Reserve Bank of New Zealand Act, adopté en 1989, a donné comme mission principale à la banque centrale du pays la stabilité des prix." "Les macroéconomistes invoqueront quant à eux les avancées de notre compréhension qui ne se sont pourtant pas matérialisées. Le débat aujourd'hui sur les monnaies fortes et les monnaies faibles est identique à ceux qui opposaient les monétaristes et les partisans de Keynes dans les années 1970, les défenseurs et les détracteurs du bimétallisme aux Etats-Unis à la fin du XIXe siècle, les adeptes de l'école de la circulation (currency school) et les tenants de l'école de la banque (banking school) au Royaume-Uni dans les années 1840." "La désyndicalisation? L'inertie des marchés pétroliers depuis les deux chocs pétroliers des années 1970 ? L'arrivée massive de main d'oeuvre bon marché en provenance de l'Europe de l'Est, de la Chine et de l'Inde sur le marché mondial du travail ? L'amélioration de la productivité grâce au développement des technologies ? Ou peut-être la manipulation massive des chiffres de l'IPC ?" "La conjonction de tous ces facteurs ? Ou alors aucune de ces raisons ? Ma théorie, pour ce qu'elle vaut, part du principe qu'il n'existe aucune bonne théorie autre que celle qui retient la combinaison habituelle entre la part de chance et la part de discernement des responsables politiques... ou environ 150% de chance. Le problème c'est que la chance subit l'effet de retour à la moyenne. Les problèmes budgétaires colossaux que la classe politique américaine tente actuellement d'esquiver suggèrent que le retour vers la moyenne est imminent." "S'il est une chose que nous savons sur la dette, c'est qu'elle partage les caractéristiques de la plupart des autres produits, le recul des prix entraîne la demande à la hausse. Par conséquent, la baisse des taux d'intérêt observée au cours des trente dernières années est la cause de l'augmentation massive des ratios d'endettement à l'échelle de l'économie mondiale." "Nous savons également qu'il n'existe pas de niveau de dette optimal dans la mesure où une dette soutenable est fonction du taux d'intérêt affecté à cette dette. Tenter de déterminer le ratio de dette optimal revient à essayer de trouver deux inconnues à l'aide d'une seule équation. Ce qui fonctionne avec un taux d'intérêt de 4% ne fonctionnera pas avec un taux d'intérêt de 14%." "L'Irlande est un excellent exemple. Ce pays traverse aujourd'hui une dépression très dure, il n'y pas d'autres mots et cette situation fait vraiment peine à voir, en raison notamment des termes très stricts de son plan de sauvetage. L'élection du Fine Gael, sur ses promesses de réduction du taux d'intérêt du plan d'aide accordé à l'Irlande (de 5,8% actuellement), pourrait bien représenter la première étape d'un futur mouvement populaire à l'encontre de l'euro." L'analyste retrace ensuite les coûts d'emprunt du gouvernement américain sur une longue période d'environ deux cent ans marquée par des phases d'expansion et des accès de panique sur les marchés, des guerres localisées et des guerres mondiales, la naissance et la chute d'empires, des révolutions technologiques transformant du tout au tout le monde de générations successives. "Les rendements obligataires ont eu globalement tendance à retourner vers leur moyenne à long terme (et les Etats-Unis ont été l'une des économies les mieux gérées sur cette période, les rendements obligataires d'autres pays ont montré quant à eux un biais historique peu attrayant vers des rendements plus élevés). Par coïncidence, le taux d'intérêt moyen sur cette période, d'environ 5,8%, correspond au taux que le nouveau gouvernement irlandais considère aujourd'hui comme écrasant." "En d'autres termes, l'Irlande est tellement endettée qu'elle peine à payer un taux d'intérêt qui n'impressionnera pas les générations futures. Mais l'Irlande ne fait pas figure d'exception. Prenons l'exemple du gouvernement américain, qui paye actuellement des intérêts équivalents à environ 10% de ses recettes, ce qui n'est pas si mal. Le problème, c'est que le paiement des intérêts par le gouvernement fédéral est calculé net des coupons payés dans le cadre des programmes mis en oeuvre au niveau fédéral (ex : sécurité sociale) dans la mesure où ces versements sont considérés comme des transferts intra-gouvernementaux." "Ces coupons en faveur de la sécurité sociale visent en effet à financer une obligation réelle envers les citoyens américains et représentent de ce fait un paiement sur une dette réelle. Sur une base brute, le gouvernement américain paye des intérêts équivalents à 15% de ses recettes, mais ce mode de lecture est moins transparent. Pour cette raison, les chiffres sont le plus souvent cités en valeur nette. Ce mode de calcul ne les rend pas plus exacts cependant." "De plus, même ces données sont gonflées par le rendement historiquement faible de la dette américaine. Supposons que le gouvernement américain doive payer le rendement de 5,8% qu'il a en moyenne payé au cours des 200 dernières années ? La part des recettes consacrée au paiement des intérêts bruts atteindrait un niveau incroyable de 30%. Si ce montant devait être le taux moyen payé depuis la Seconde guerre mondiale, soit 6,9%, le paiement des intérêts bruts s'élèverait à 37% des recettes. Ces exemples font ressortir assez clairement la possibilité d'une dangereuse spirale haussière sur les rendements obligataires." "Cela pèserait sur les finances publiques tout en minant la confiance dans la capacité du gouvernement américain à rembourser sans avoir recours à l'inflation, ce qui conduirait à une nouvelle hausse des rendements, etc. Les responsables politiques américains pourraient entraver la tendance menaçant la solvabilité de leur gouvernement. Ils pourraient trouver une solution acceptable au sous-financement chronique de leur système de santé en adoptant illico les mesures adéquates. Mais dans le cas contraire, la formation d'une spirale ne sera plus qu'une question de temps." "Et que fera alors la Fed ? Ben Bernanke affirme que la Fed ne laissera pas l'inflation dépasser des niveaux stables et contenus. Il dit avoir retenu les leçons des années 1970. La théorie n'a pas de secret pour lui. Pourtant, toutes ces années consacrées à la lecture d'ouvrages sur la Grande Dépression (et à l'écriture de quelques livres) ne l'ont pas aidé à identifier la plus forte hausse du crédit depuis cette crise majeure. Ce sont les actions qui comptent. Ainsi, avant de prêter au gouvernement américain à un taux de 3,5% sur 10 ans, gardez à l'esprit que pas un seul des économistes de la Fed, auxquels vous accordez votre confiance, ne s'est déjà attelé à lutter contre l'inflation réelle." AUT/ALO