L'euro résiste remarquablement bien face au dollar et au yen (Aurel BGC)

22/03/2011 - 11:37 - Option Finance

(AOF / Funds) - "La succession de catastrophes subies par le Japon a eu un effet quelque peu paradoxal sur le marché des changes : le yen s'est sensiblement apprécié, en particulier face au dollar. Le mouvement a été si important et brutal que les membres du G7 se sont mis d'accord pour intervenir conjointement sur le marché des changes, pour la première fois depuis septembre 2000. Il s'agissait alors de soutenir l'euro", notait mardi Aurel BGC. "Déjà, avec la crise de la dette des souverains de la zone euro et les inquiétudes provoquées par la forte hausse des cours du pétrole et des matières premières, le yen a joué un rôle inédit de valeur refuge." "Avec des taux d'intérêt à court terme proches de zéro, des rendements obligataires parmi les plus faibles du monde cela pouvait être considéré comme quelque peu étonnant. Si l'on rajoute une déflation persistante, des perspectives conjoncturelles toujours faibles, un pouvoir politique instable en raison des difficultés à dégager une majorité claire et capable de prendre des décisions parfois difficiles, le tableau ne s'améliore pas franchement." "L'ensemble de ces éléments sont, de plus, à considérer sur fond de finances publiques particulièrement dégradées : la dette publique dépassait déjà 200% du PIB fin 2010. Ces quelques éléments constituent difficilement la base d'un havre de paix pour les investisseurs inquiets des risques dans d'autres parties du monde." "En revanche, il est probable que le resserrement des écarts de taux à court terme et l'augmentation, ou même seulement les craintes d'augmentation, de la volatilité des taux de change ont pu conduire au débouclage de positions shorts en yen. Sur la période très récente, l'histoire est quelque peu différente. En quelques jours, le yen s'est apprécié de 5,5% face au dollar et de 3,8% face à l'euro. Ce mouvement est intervenu entre le 10 mars (soit la veille du séisme qui a frappé le nord-est de l'Archipel nippon) et le 17 mars (à la veille des interventions concertées des banques centrales du G7). Le mouvement a notamment été motivé par l'anticipation de rapatriement massif de capitaux investis par les japonais sur les marchés étrangers." "D'après les statistiques de la Banque du Japon, les avoirs japonais à l'étranger, sous forme d'investissements de portefeuilles, s'élevaient à un peu plus de 2.500 milliards d'euros (3.500 milliards de dollars), dont un tiers aux Etats-Unis et un montant équivalent en Europe (un peu moins de 30% dans la zone euro). Les destructions causées par le tremblement de terre et le tsunami qui a suivi étant, pour l'instant estimées entre 122 et 235 milliards de dollars, le rapatriement d'une partie, même mineure, des avoirs japonais à l'étranger permettraient de couvrir aisément les coûts de reconstruction." "Cette menace de rapatriements massifs des capitaux japonais est sans doute exagérée. La Banque Mondiale estime que les travaux de reconstruction devraient durer cinq ans. Pourquoi, dans ces conditions, préfinancer la totalité du coup rapidement ? Les besoins de capitaux s'exprimeront très progressivement. Seule la partie due par les assurances, soit 35 milliards de dollars d'après les estimations du cabinet Air Worldwide, pourrait donner lieu à versement relativement rapide, mais cela n'implique pas forcément des rapatriements de capitaux par les assureurs : une partie de leurs réserves sont investies en yens. D'ailleurs, les placements à l'étranger sont loin d'être majoritaires dans l'actif des institutionnels nippons." "D'un point de vue macroéconomique, la nécessité pour le Japon de dégager des ressources pour financer la reconstruction implique une réduction de son excédent des transactions courantes, et donc de sa capacité de financement, plus que la vente d'une partie de son portefeuille. En clair, cela signifie que les flux de financements en provenance du Japon et à destination des marchés étrangers vont diminuer parce que le Japon va utiliser une plus grande partie de son épargne pour financer ses investissements. Toutes choses égales par ailleurs, l'impact sur le marché des changes est indéterminé..." "Le mouvement d'achat de yens pourrait avoir été amplifié par l'augmentation de la volatilité générée par l'incertitude extrême qui a suivi le tremblement de terre et le tsunami. Celle-ci n'est pas levée, mais son impact sur le sentiment des investisseurs a été amorti par les réactions des autorités, notamment monétaires. Les interventions concertées sur le marché des changes ont permis un recul du yen. Par rapport à la veille, le yen a reculé de 2,9% face au dollar et de 3,7% face à l'euro. Les banques centrales du G7 n'ont certes pas renversé la tendance : le yen n'a pas entamé une phase dépréciation." "Mais elles ont réussi à stopper le mouvement d'appréciation rapide de la devise japonaise. Elles ont aussi permis à la volatilité de reculer sur le marché des changes, le pic de jeudi dernier (volatilité implicite euro/yen à un mois au-dessus de 21%) a été effacé rapidement. C'est peut-être là le plus grand succès de l'intervention des banques centrales... Dans ces conditions, le taux de change dollar/yen pourrait rester relativement stable ces prochaines semaines. Bien sûr, les nouvelles concernant l'évolution de la situation à la centrale nucléaire de Fukushima pourront l'influer. Mais il devrait globalement recommencer à répondre à des stimuli plus habituels. Or, ces derniers seront mitigés et ne permettront pas de justifier l'enclenchement d'une véritable tendance." "Au final, le mouvement le plus remarquable sur le marché des changes est la reprise de l'appréciation de l'euro. Au-dessus de 115, il est revenu face au yen à un niveau qu'il avait effleuré au début du mois, mais qu'il n'avait pas vraiment tenu depuis le printemps 2010, alors qu'il était en phase de dépréciation sous l'effet de la crise grecque. Face au dollar, il s'approche de niveaux inconnus depuis plus d'un an, en janvier 2010." "La devise européenne bénéficie de perspectives de politiques monétaires favorables. En effet, la Banque du Japon a, avec raison, injecté massivement des liquidités auprès des banques et augmenté son programme d'achat de titres. Elle n'a d'autre choix de maintenir une politique extrêmement accommodante pendant encore de longs mois. La Fed conserve un discours très prudent. La normalisation de sa politique peut attendre, d'autant que l'enchaînement de catastrophes au Japon renforce l'incertitude et augmente le risque de ralentissement marché de l'activité économique." "La BCE, au contraire, pourrait décider que la normalisation de sa politique monétaire doit débuter rapidement. Certes, les banquiers centraux européens vont examiner de très près les conséquences économiques et financières potentielles du tremblement de terre et du raz-de marée, ainsi que de leurs conséquences à la centrale nucléaire de Fukushima. Au regard des déclarations de plusieurs d'entre eux, il n'est pas certains que cet examen les conduise à retarder la hausse des taux directeurs annoncée pour le 7 avril. La décision ferme et définitive n'a pas été prise, mais le risque inflationniste continue à dominer la plupart des discours..." "Sauf clash lors du Sommet des chefs d'Etats et de gouvernement de l'Union européenne (jeudi et vendredi), l'euro pourrait continuer à s'apprécier sur le marché des changes ces prochaines semaines. Même si des difficultés perdurent pour les Etats européens aux finances jugées fragiles, la situation est stabilisée aux yeux des investisseurs. Dans ce contexte, la divergence entre les politiques monétaires européenne d'une part, américaine et japonaise d'autre part, va continuer à exercer une pression à la hausse sur la devise européenne..." AUT/ALO