Emergents : l'Asie la plus exposée au Japon (Natixis)

24/03/2011 - 16:25 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Le séisme et le tsunami qui ont dévasté le nord-est du Japon (joints à l'alerte nucléaire toujours présente) suscitent des interrogations sur l'avenir de l'économie nippone mais aussi sur l'impact des catastrophes sur le reste du monde et les économies émergentes. Les premières estimations des dégâts à l'échelle nationale, citées par la Banque mondiale, varient dans une fourchette de 122 à 235 milliards de dollars, à comparer aux 100 milliards de dollars qu'avait coûtés, en termes d'infrastructures, le séisme de Kobe en 1995", note Natixis. "A priori, la destruction des infrastructures devrait peser sur la croissance japonaise, mais ensuite, l'activité économique pourrait au contraire s'accélérer avec les efforts de reconstruction. Les effets des catastrophes sur les marchés financiers sont également incertains." "A l'image de sa réaction après le séisme de Kobe, la Banque de Japon a injecté massivement des liquidités diminuant le rendement des titres obligataires du pays, tandis que, dans un premier temps, les anticipations de rapatriement de capitaux et le débouclage de carry trades ont renforcé le yen. En revanche, dans un deuxième temps, les interventions des banques centrales des pays du G7 ont contrecarré l'appréciation, ramenant peu ou proue la devise à sa valeur d'avant la catastrophe." "L'impact financier de la reconstruction est également une source d'interrogation, dans un pays où la dette publique atteint 200% du PIB et où le déficit est proche de 10% du PIB). Le Japon peut toutefois mobiliser des investissements à l'étranger pour couvrir une part des besoins financiers de la reconstruction." "Nous ne pouvons pas prévoir convenablement l'impact économique des catastrophes japonaises, ni sur le court terme ni sur le long terme, mais on peut raisonnablement évaluer quels pays émergents sont les plus affectés. Nous considérons deux canaux de transmission: la finance et le commerce. Les liens de nature financière entre le Japon et le reste du monde sont considérables. La Bourse de Tokyo est la deuxième place boursière après celle de New York." "La mondialisation financière a également accéléré les échanges et a favorisé l'apparition de flux de capitaux massifs en provenance de et destinés au Japon. Les rapports financiers du Japon sont considérables avec les pays occidentaux mais aussi avec les pays émergents d'Asie. En revanche, la circulation de l'épargne entre le Japon et l'Europe émergente ou le Japon et l'Amérique latine est moins dense, bien que le Japon ait fortement investi dans le secteur minier et énergétique latino-américains." "A la suite des accords de Plaza de 1985, qui ont impliqué une réévaluation du yen (qui est passé de 250 yens pour un dollar à 125 en 1987), les entreprises japonaises ont commencé à accélérer leurs investissements à l'étranger (Indonésie, Thaïlande, Philippines, métropoles et zones franches de la Chine) pour délocaliser des activités dans des secteurs intensifs en main d'oeuvre et utiliser ces régions comme bases d'exportation. Les secteurs choisis sont le textile, l'électronique, l'acier et l'automobile. Le Japon devient alors le principal investisseur direct en Thaïlande, aux Philippines et en Corée et le deuxième ou le troisième en Malaisie, à Singapour et en Indonésie." "L'ouverture progressive des marchés financiers locaux à partir des années 1980 conduit à une hausse des investissements de portefeuille. Une nouvelle fois, le Japon profite des opportunités de rendement fournies par les voisins asiatiques. Enfin, il convient de citer un dernier canal de transmission à travers lequel la conjoncture japonaise peut se répercuter sur les pays d'Asie. La dette extérieure des pays asiatiques est partiellement libellée en yen, de sorte que les variations du cours de la devise japonaise ont un impact direct sur les finances publiques des pays d'Asie." "Sur les dix dernières années, les échanges commerciaux de l'Asie émergente avec le Japon ont pesé pour 9% des échanges totaux de la région. En revanche, les pays de l'Amérique latine, mis à part le Chili, le Pérou et le Mexique dont l'ouverture sur le Pacifique encourage les échanges, sont moins exposés à la demande japonaise. L'Europe Centrale et Orientale est encore moins concernée, le Japon n'étant pas un partenaire commercial privilégié." "En Asie, les craintes sur les échanges intra-régionaux, touchent spécialement le secteur de l'industrie automobile et de l'électronique. Le Japon est en effet le principal producteur de biens intermédiaires et de capital pour les chaines de production asiatiques. La production automobile thaïlandaise pourrait ainsi être touchée par de ruptures de composantes importées du nord-est du Japon, et devrait éventuellement trouver des substituts." "Quant à l'industrie électronique, les firmes coréennes subissent déjà la hausse du prix des puces à mémoire, l'offre en provenance du Japon (36% du total de cette composante) ayant été temporairement interrompue, mais aussi par la propre sur-réaction du marché. Les Philippines, où le secteur électronique représente environ les deux tiers des exportations totales de biens manufacturés, observeront de près la trajectoire de l'offre et du prix des inputs en provenance du Japon." "Concernant les matières premières, les producteurs d'énergie (l'Indonésie, la Malaisie et le Vietnam) pourraient bénéficier d'une demande accrue en provenance du Japon, même si pour l'heure le gaz russe semble être utilisé comme substitut." "L'impact économique des catastrophes au Japon (séisme, tsunami, fuites radioactives) est à l'heure actuelle hypothétique. Nous avons toutefois cherché à identifier les pays émergents les plus concernées par les événements. Sans surprise, il s'agit des pays émergents d'Asie, alors que cette région a renoué, surtout à partir des années 1980 des liens très étroits avec le Japon tant sur le plan financier que sur le plan commercial." "Parmi ces pays, la Thaïlande, la Malaisie, les Philippines, la Corée et Singapour, subiront des effets, alors que l'Inde et la Chine seront plus épargnés. Outre de potentiels effets globaux des événements (éventuelle poussée additionnelle des prix des matières premières et/ou ralentissement de la croissance mondiale), l'Amérique latine, l'Europe centrale et orientale apparaissent être moins directement exposées." AUT/ALO