La BCE doit reprendre la main sur la gestion des liquidités en zone euro

31/03/2011 - 10:38 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Si S&P donne un peu l'impression d'un grand flou artistique en ayant mardi annoncé une baisse de la notation du Portugal de deux notes (à BBB-) après celle, également de deux notes, déjà initiée jeudi dernier, elle n'en soulève pas moins un point qui pose problème dans les décisions prises par l'UE", note Jean-François Robin de Natixis. "Il a en effet été décidé par l'Union européenne pour le Mécanisme de stabilité européen (ESM) qui remplacera l'EFSF après juin 2013, que toute aide financière qui sera demandée par un pays en difficulté devra obligatoirement avoir pour corollaire une participation du secteur privé. Autrement dit pour pouvoir bénéficier de l'aide de l'ESM il faudra prévoir une forme de mise à contribution." "Pour S&P, cela revient à dire qu'à chaque fois que l'ESM sera activé il y aura défaut du pays concerné. On notera toutefois que si le communiqué n'est pas très clair sur la mise à contribution du secteur privé, il semble y avoir une distinction entre une situation qui sera jugée soutenable et une situation où la dette devient incontrôlable." "Dans le premier cas, les détenteurs d'obligations du pays en difficulté seront encouragés à maintenir leur exposition. On peut donc sans qu'il y ait de détails à ce stade, penser que cela ne passera pas par des hairs cuts ou une quelconque restructuration... Dans le deuxième cas, à l'inverse, une négociation avec les créditeurs devra obligatoirement être engagée pour pouvoir obtenir de l'ESM l'aide demandée." "Comme dans le même temps il a été confirmé que les titres de l'ESM auront une séniorité inférieure à ceux du FMI mais supérieure aux obligations du pays concerné, on voit bien là que se dessine une situation pas vraiment favorable aux détenteurs d'obligations qui potentiellement auront à faire à une restructuration et à un remboursement qu'une fois servis l'ESM et le FMI..." "Un pays qui fera appel à l'ESM si tel était le cas risquera donc de voir se fermer un peu plus l'accès au marché primaire par la suite. L'ESM est donc bien un mécanisme fédéral qui au final va sans doute accélérer la transition vers un Eurobond même si cela n'était sans doute pas le but visé par les chefs d'Etat en premier lieu. Les émissions des émetteurs souverains vont ainsi sans doute être amenées à être remplacées par celles de l'ESM dans les portefeuilles des investisseurs qui privilégieront les titres séniors de la zone euro..." "Encore une fois, il aurait sans doute mieux fallu penser à faire payer les détenteurs d'obligations non core en les incitant à les vendre sur les niveaux actuels qui correspondent déjà à ceux d'une restructuration. En effet si le but est de faire payer les investisseurs, et notamment les banques, les pertes sont déjà présentes avec la dégradation des obligations grecques, irlandaises ou portugaises !" "Le réel problème étant de les inciter à les sortir des (banking) books et d'éviter que les détenteurs ne gardent les titres jusqu'à ce qu'ils se fassent rembourser au pair. Une solution pas évidente à trouver en pratique mais sûrement plus que les actions collectives à engager avec une restructuration. Un rachat par l'émetteur sur le marché secondaire serait aussi nettement moins traumatisant qu'un défaut authentique pour les futurs acheteurs privés..." "En tout état de cause, à court terme tout ceci semble favorable à un appel à l'EFSF (on pense bien évidemment au Portugal, une fois doté d'un gouvernement durable). Afin d'éviter tout problème et d'avoir à organiser une restructuration toujours longue et compliquée, les pays acculés pourraient ainsi avoir intérêt à accélérer leur demande pour obtenir les fonds de l'EFSF aujourd'hui et non ceux de l'ESM après 2013." "Les mesures de consolidation budgétaires demandées seront les mêmes dans les deux cas mais le recours au deuxième mécanisme plus contraignant pour les investisseurs privés... Beaucoup de banques continuent de dépendre quasiment exclusivement de la BCE pour le refinancement faute de trouver des prêteurs à un prix abordable dans le marché interbancaire. Les banques irlandaises par exemple dépendent à hauteur de 116 milliards de la BCE." "Dans une telle configuration, une hausse des taux va encore compliquer la situation des banques concernées. Une hausse du repo augmentera ainsi d'autant le coût de refinancement des banques par trop dépendantes de la BCE. Même si la liquidité est abondante et l'Eonia inférieur au repo, les banques pour qui l'accès au marché interbancaire est fermé, elles, se financent au niveau du repo..." "Un autre problème qui rend la situation moins contrôlable par la BCE provient de l'ELA (Emergency Liquidiy Assistance) aujourd'hui (uniquement) utilisé par la Banque centrale d'Irlande qui prête par ce biais 50 à 70 milliards supplémentaires à ses banques. Au total entre la BCE et la BC d'Irlande l'équivalent du PIB annuel du pays est ainsi prêté aux banques irlandaises..." "Il est de plus en plus question d'instaurer une nouvelle facilité de financement à moyen terme pour les banques à problème. La BCE cherche à régler le problème des banques dépendantes (addicted) de la BCE sans doute dans l'idée de pouvoir un jour repasser les allocations de liquidité (MRO et LTRO) à taux variables sans risquer d'avoir du coup une trop forte hausse du taux moyen." "On peut imaginer une facilité avec un taux moins favorable que le taux minimum du MRO (ou plutôt du LTRO car il s'agira sans doute de ressource assez longue pour faire sens) mais avec éventuellement un collatéral élargi (avec des hairs cuts afférents), l'idée étant de proposer un complément aux MRO et LTRO, pas un système parallèle. On pourrait alors imaginer une publication qui apparaîtrait soit dans les facteurs autonomes comme actuellement, soit comme l'était le programme de coverd bonds pour que les conditions de liquidité soient connues quasiment d'un jour sur l'autre." "Cette facilité permettrait à la BCE de reprendre la main sur la gestion des problèmes de liquidité en la centralisant. Sans doute pourrait-elle ainsi être plus libre dans la gestion de sa politique monétaire. La BCE pourrait ainsi plus facilement compenser côté liquidité ce qu'elle pourrait reprendre en montant le niveau de son repo..." AUT/ALO