Les marchés de taux longs vont se retrouver sous pression (CamGestion)

19/04/2011 - 16:53 - Option Finance

(AOF / Funds) - "La période récente a été caractérisée par un afflux de nouvelles macro-économiques mitigées et par les catastrophes au Japon. Aujourd'hui, trois sujets de préoccupation majeurs vont alimenter les marchés d'ici l'été : l'inflation, la croissance et les problèmes de dettes et de déficits. La reprise de l'inflation est devenue, à juste titre, le sujet phare des marchés", note Philippe Forni, directeur général de CamGestion dans sa lettre d'avril. "Si cette dernière était déjà présente de façon prononcée dans les pays émergents (8,31% en Inde, 5,4% en Chine et 6,3% au Brésil) et à ce titre, avait déclenché la contre-offensive des banques centrales nationales, l'acuité du phénomène s'est nettement accrue en Europe et aux USA." "Le transfert de la hausse des prix des matières premières énergétiques et agricoles aux produits finis est aujourd'hui à l'oeuvre et sonne le glas de la longue phase de désinflation des vingt dernières années. Les indices des prix à la consommation le retracent nettement en Europe (+2,6%) mais aussi aux USA. Les consommateurs l'anticipent et modifient leur comportement d'achat. Cette poussée a incité la BCE à moduler sa politique monétaire en remontant, en avril, ses taux courts de 0,25% pour juguler ce phénomène. A n'en pas douter, il s'agit là d'un premier mouvement qui, selon nous, sera suivi d'au moins deux autres de même ampleur d'ici la fin de 2011." "La Fed, de son coté, cherche absolument à réamorcer une croissance jugée trop faible et dont on peut légitimement douter aujourd'hui qu'elle soit durablement installée. Pour ce faire, et malgré les crispations de certains de ses membres autour de ce même thème de l'inflation, elle cherchera à rester, le plus longtemps possible, avec la même politique accommodante (QE2). Mais alors qu'en est-il, à fin juin, de la fin annoncée du cycle de QE2 ? Sera-t-il poursuivi par un QE3 de même forme (600 milliards de dollars de création monétaire) ?" "Nous ne voulons pas y croire tant la version 2 est déjà profondément déstabilisatrice pour le reste du monde dans ses conséquences en matière de change (affaiblissement important du dollar) et dans les déséquilibres que cela provoque sur la planète. Rappelons-nous les cris d'orfraie des pays émergés à l'annonce du QE2. Pourtant, de ce choix et de cette annonce va dépendre une grande partie du comportement des marchés dès la fin du mois de juin. Cette situation est bien sûr compliquée par le problème de la dette et des déficits américains." "Une fois n'est pas coutume, nous quittons l'Europe et ses sempiternels problèmes de dettes souveraines (dernier en date le Portugal) et de déficits publics. Si le problème n'est bien sûr pas réglé, la mise en place d'une gouvernance européenne renforcée (EFSE et ESM) va permettre, comme nous l'annoncions depuis plusieurs mois, de réduire la difficulté. Aux Etats-Unis, nous entrons dans le vif d'un sujet stigmatisé aujourd'hui par le débat budgétaire. Hors le simple jeu des querelles partisanes, le problème est clair et a été mis en exergue par le FMI récemment." "Les USA ont l'impérieuse nécessité de réduire leurs déficits et de juguler leur immense dette (supérieure à 14.000 milliards de dollars), d'où l'imprécation permanente sur le retour à la croissance. Le président Obama, entré en campagne, tente de reprendre la main. Il annonce une réduction du déficit de 4.000 milliards de dollars sur douze ans. Rappelons nous que le seul déficit fédéral pour cette année est 1.600 milliards de dollars. Il faudrait y ajouter celui des Etats, des collectivités et des villes. La route est longue et si l'intention est louable, il n'est pas sûr que sa vitesse d'exécution convienne au marché." "Dans le même temps, le président revient sur ses engagements de campagne par des coupes importantes dans les budgets sociaux (Medicare). Le risque est simple à énoncer. Si la réduction des déficits n'est pas suffisamment convaincante, les marchés risquent de douter de la solidité financière des USA, tout comme ils ont douté de celle de la Grèce, de l'Irlande, du Portugal. D'ores et déjà, les agences de notation ont prévenu. Les taux longs risquent de s'envoler car les détenteurs de dettes chercheront, dans ce cas de figure, à s'en débarrasser." "Certains de ces grands investisseurs (Chine et Japon), et pour des raisons différentes, cherchent déjà à en alléger le poids et rééquilibrent au profit d'une dette européenne déjà dégradée et donc bien plus rémunératrice (cf. déclarations chinoises à M. Zapatero). Premier constat que nous pouvons tirer de cette situation, les marchés de taux longs vont effectivement se trouver sous pression pour au moins trois raisons : la hausse progressive des taux courts qui poussera progressivement à la reconstitution de la pente sur la partie longue, les craintes sur l'inflation liée aux matières premières et le besoin de financement très importants des Etats." "Seul frein à cette hausse des taux, la modestie de la croissance attendue. Si le directionnel n'est pas favorable sur les fonds d'Etat des pays coeur (les plus chers aujourd'hui), il reste, selon nous, possible de s'intéresser aux deux grands périphériques Espagne et Italie et aux emprunts privés, qui présentent tous, à des degrés divers, des taux attrayants. La croissance est devenue aujourd'hui le sujet indissociable de l'inflation." "Sur ce front, le constat est simple. La croissance des pays développés, bien que positive, reste dans le bas de la fourchette soit proche de 3% pour les USA et de 1,7% pour la zone euro et ne permet pas la baisse du chômage qui serait favorable à l'accélération de la création de richesse. Dans les émergés, elle est parfois trop rapide (9,7% en Chine), facteur d'inflation par les coûts, et constamment remise en question par le durcissement des politiques monétaires locales visant justement à la limitation de la hausse des prix. Pour autant, nous n'entrevoyons pas un fort recul de la croissance mondiale aujourd'hui estimée autour de 4% par l'OCDE." "Sur la période récente, les marchés d'actions ont également subi le contrechoc des catastrophes japonaises. Personne ne peut dire à ce jour, ce qu'elles coûteront aux économies nippone et mondiale. Certainement beaucoup. Nous ne faisons qu'entrevoir les conséquences sur l'activité mondiale de la rupture de production de certains composants, du chômage technique que cela implique, mais aussi des conséquences sur les choix énergétiques à venir et sur l'évolution des prix des énergies fossiles et donc de l'inflation." "Après avoir vivement réagi à ces informations, les marchés d'actions se sont nettement repris et ont de nouveau regardé les publications macro-économiques et les résultats financiers publiés pour le premier trimestre. Un sentiment diffus émerge : les marchés semblent être arrivés sur le haut de la crête. La situation économique se complique, les menaces géopolitiques restent bien présentes, les politiques monétaires se resserrent partout dans le monde, l'inflation réapparaît et pose la question lancinante de la faculté de répercussion des hausses de prix des matières premières par les entreprises vers les clients finaux (pricing power) et donc du maintien de leurs marges." "Second constat. Nous continuons cependant de croire aux marchés actions, et notamment toujours à la combinaison actions européennes qui immunisent du risque de change et actions émergentes bénéficiant des zones de forte croissance. Il nous semble qu'il y a de la valeur à s'intéresser à nouveau à des petites et moyennes capitalisations européennes globalement moins volatiles et nous continuons de miser sur le thème des fusions acquisitions." "Il reste cependant évident que la décélération légère de la croissance qui s'annonce dans un monde redevenu modérément inflationniste fait également la part belle à la modulation des allocations d'actifs et toujours à la grande flexibilité des portefeuilles." AUT/ALO