Matières premières : le décrochage ne fait pas une tendance (Aurel BGC)

20/05/2011 - 10:46 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Après une amplification de leur hausse en fin d'année dernière et sur les deux premiers mois de 2011, les cours de la plupart des matières premières se sont retournés violemment à la baisse (...) L'assombrissement des perspectives économiques mondiales a joué un rôle indéniable, mais son impact mécanique sur les perspectives de demande de produits de base a été amplifié par les comportements des acteurs financiers engagés sur ces marchés ainsi que par les perspectives de durcissement des politiques monétaires, notamment américaine", note Aurel BGC. "Correspondant à la purge d'excès passés, ce mouvement de baisse, parfois impressionnant, n'est sans doute pas l'amorce d'une nouvelle tendance." "L'arrivée de nouvelles moins positives en provenance des Etats-Unis et d'Europe, ainsi que la crainte de voir le durcissement des politiques économiques s'amplifier dans les émergents ont engendré la réémergence de doutes sur les perspectives économiques mondiales. Au début du mois d'avril, les investisseurs avaient parus soulagés par la faiblesse apparente de l'impact des destructions subies par le Japon sur l'activité économique mondiale : les enquêtes restaient globalement bien orientées et les statistiques de production nourrissaient le sentiment que les pénuries attendues de pièces détachées avaient des conséquences moins graves qu'envisagé." "Cet optimisme, presque béat, n'a pas duré. Quelques statistiques économiques publiées dans le deuxième partie du mois dernier et les résultats des premières enquêtes de conjoncture portant sur le mois d'avril ont engendré des craintes, non pas de rechute en récession, mais d'un tassement important de la croissance mondiale. Ces craintes ont été renforcées par le durcissement de ton des autorités des plusieurs pays émergents face à une inflation toujours élevée. Le changement de sentiment des investisseurs a imposé un coup d'arrêt à la progression, de plus en plus rapide, des prix des matières premières." "Les prix des matières premières ont affichés d'amples variations ces dernières semaines. A l'euphorie du début d'année a succédé un retour au réel sous l'influence d'un flux de nouvelles macroéconomiques et microéconomiques moins porteur. La tendance à la révision à la hausse des prévisions de croissance mondiale s'est interrompue, notamment sous l'effet d'un recul des perspectives aux Etats-Unis. En Europe, l'effet est moins fort parce que le dynamisme du début d'année se traduit par un acquis de croissance plus important qu'envisagé." "Globalement, toutefois, une perte de dynamisme est attendue de part et d'autre de l'Atlantique dès le deuxième trimestre. Le Japon est, pour sa part, retombé en récession. Dans les grands émergents, au mieux le rythme de croissance se maintiendra. Le ralentissement amorcé au deuxième semestre 2010 dans le grands pays latino-américains se confirme toutefois, alors qu'il semble acquis que la phase d'accélération est terminée en Chine et en Inde. Dans les deux géants asiatiques, les autorités rencontrent toutefois des difficultés à réduire le risque de surchauffe, ce qui engendre des craintes de sur-réaction de leur part, en matière de politiques budgétaire et monétaire, voire en matière réglementaire." "Dans ce contexte global, les prix des matières premières se sont mis à varier de manière plus erratique. Sur les deux premiers mois de l'année, l'indice CRB des matières premières industrielles a progressé de plus de 20%. Sur un an, sa progression dépassait ainsi 80% au début du mois de mars. En hausse de 25% entre fin décembre et début mars, le cours du Brent s'affichait alors 45% au-dessus de son niveau d'un an auparavant. D'autres indices, comme les GSCI diffusés par S&P, par exemple, montrent des évolutions similaires, mais avec un calendrier qui peut légèrement différer." "Le récent point haut a ainsi été atteint un mois plus tard que sur les CRB. Le GSCI spot total a augmenté de 42% sur un an à début avril. L'indice hors énergie de la même famille montre une progression de près de 48% sur la période, alors que les métaux industriels affichent une croissance plus modérée de 27,5%. Depuis leur point haut, tous les indices ont reculé, mais ils affichent des amplitudes de variation différentes." "L'indice CRB des matières premières industrielles a ainsi perdu 25% en dix semaines. Les indices GSCI total et des métaux industriels ont cédé 9% et 8,5% respectivement en six semaines. Le Brent, pour sa part, n'a reculé que 3,5% sur la même période. A l'exception des huiles et graisses végétales, les différentes composantes de l'indice CRB spot affichent un profil équivalent. Elles sont en forte hausse sur un an, mais un tassement, souvent important, est intervenu depuis un à deux mois." "Certes, sur de nombreux marchés de matières premières, d'amples variations ne sont pas forcément inhabituelles. Elles peuvent s'expliquer par l'impact de différentes nouvelles sur le jugement que portent les investisseurs sur la tendance de la demande mondiale pour ces produits. D'importants mouvements de court terme peuvent aussi intervenir sous l'effet de chocs d'offre. Les prix des matières premières agricoles sont, ainsi très sensibles aux intempéries qui peuvent frapper leurs zones de production. Les prix des céréales ont accéléré depuis plusieurs trimestres sous l'effet de la conjonction de phénomènes exceptionnels dans plusieurs grandes zones de production (sécheresses, inondations, incendies...)." "La sensibilité des matières premières à la conjoncture varie d'un produit à l'autre. Les matières premières industrielles sont, ainsi, censées réagir plus évidemment aux perspectives conjoncturelles. Les produits alimentaires devraient être moins sensibles. La croissance de la demande que reçoivent ces derniers est soutenue, en tendance, par la démographie et le développement d'une classe moyenne dans les pays émergents. Il s'agit de supports de long terme sur lesquels la conjoncture n'a que peu de prise. Même dans les pays matures, la demande de produits alimentaires n'est pas la plus sensible aux variations de court terme de l'activité économique." "Sur la période récente, plusieurs éléments peuvent participer à expliquer les amples fluctuations des cours des matières premières. La dégradation des perspectives économiques mondiales a amené les différents intervenants à réduire leurs attentes en matière de croissance de la demande de matières premières industrielles. L'impact attendu du tremblement de terre et du raz-de-marée qui ont ravagé le nord-est du Japon et qui restreint la production d'électricité dans l'empire du soleil levant explique notamment le repli des cours des métaux industriels." "Dans un premier temps, c'est-à-dire dans les premiers jours qui ont suivi la catastrophe du 11 mars dernier, de nombreux intervenants ont anticipé une augmentation de la demande de métaux, en particulier d'acier, de cuivre ou d'aluminium, générée par la reconstruction des infrastructures détruites ou endommagées. Assez rapidement l'impact positif sur la demande globale de métaux a été revu à la baisse en raison du ralentissement de la production industrielle mondiale provoqué par la rupture de la chaîne d'approvisionnement dans plusieurs branches industrielles, dont l'automobile et l'électronique." "La dégradation des perspectives conjoncturelles mondiales ne résulte, de plus, pas que des conséquences de la chute des capacités de productions japonaises à court terme. Elle est aussi le fruit des hausses passées des cours des matières premières. Général, le renchérissement des commodities affecte la profitabilité des entreprises et le pouvoir d'achat des ménages. Face à la pression sur leurs marges, les entreprises cherchent à faire des économies, ce qui a toujours un impact dépressif sur l'activité à court terme." "Les ménages, pour leur part, sont amenés à faire des choix. Le plus souvent, le renchérissement des produits alimentaires et énergétiques pèse sur les achats de biens durables. Cet effet est d'autant plus probable en Europe et aux Etats-Unis que la distribution de crédit à la consommation, si elle s'est redressée ces derniers mois, reste peu dynamique. La dégradation des perspectives économiques mondiales est indéniable. Elle contribue à expliquer le retournement de tendance des cours des matières premières, en particulier industrielles et énergétiques." "La baisse récente des prix des produits alimentaires est plus difficile à expliquer directement par le changement de sentiment. Elle peut toutefois résulter de la baisse des coûts de production dans l'agriculture liée au repli des prix du pétrole. Les céréales, comme certains oléagineux, ont aussi tendance à évoluer dans le même sens que le prix du pétrole en raison de la substituabilité, plus supposée que réelle pour l'instant, entre les biocarburants et les dérivés de l'or noir." "La simultanéité des variations des prix de différentes matières premières provient aussi de la réaction des investisseurs en termes de classe d'actifs. L'assombrissement des perspectives économiques amène les investisseurs à réduire leur exposition globale aux matières premières. C'est d'ailleurs l'un des enseignements de la dernière enquête de Merril Lynch Bank of America auprès de ses clients : ils ont réduits la pondération des commodities dans leurs portefeuilles en réponse à la dégradation des perspectives économiques mondiales..." "Le comportement des investisseurs envers les matières premières est aussi influencé par les politiques monétaires, et plus particulièrement par la politique monétaire américaine. Officiellement, les banquiers centraux américains nient toute relation entre leur programme d'injection de liquidités, le QE2, et l'amplification de la hausse des cours des matières premières à partir de l'automne dernier. Il est naturellement scientifiquement difficile de mettre en évidence une relation entre le QE2 et les cours des matières premières. Statistiquement, la relation entre les opérations quotidiennes de la Fed de New York et les cours des matières premières est faible." "Pourtant, cette relation est clairement dans la tête des opérateurs sur les matières premières. La récente volatilité sur les cours des matières premières est expliquée, en partie, par la fin prochaine du programme QE2. Les investisseurs spéculatifs réduisant leurs expositions sur ce type d'investissement. Toutefois, ce mouvement de correction est intervenu avec une hausse des marges, un durcissement des politiques monétaires dans les pays émergents et des craintes sur l'économie américaine. Le QE2 ne peut justifier à lui seul la hausse des matières premières. Mais il est vraisemblablement un élément clef." "De fait, les matières premières ont rebondi sur les annonces que la Fed ne procédera pas à des reprises précoces de liquidités. A défaut d'observer une relation directe entre les liquidités injectées par la Fed et les matières premières, il existe une relation, indiscutable statistiquement, entre le dollar et les cours du pétrole. Les anticipations de QE2, puis sur l'éventuelle absence de reprise de liquidités ont affecté le taux de change du dollar. L'effet QE2 passerait donc via la réaction du dollar. Mais, la relation inverse entre le taux de change du dollar et les matières premières est difficile à expliquer, à moins que les vendeurs de matières premières, le plus souvent cotées et facturées en dollars, décident de vendre leurs dollars ensuite." "Les producteurs de pétrole n'importent pas majoritairement des biens et services des Etats-Unis, ni même de la zone dollar. Si le billet vert reste prépondérant dans leurs réserves de changes, ils désirent aussi détenir des actifs libellés en autres devises. Après avoir vendu un baril de pétrole, le pays producteur doit donc échanger tout ou partie des dollars qu'il a reçu en paiement