Les émergents ne pourront pas éviter la hausse des matières premières

04/07/2011 - 16:55 - Option Finance

(AOF / Funds) - "On a beaucoup entendu les dirigeants occidentaux se plaindre de la mauvaise inflation, blâmer le niveau élevé des prix des matières premières rendu responsable de la hausse de l'inflation générale, tout en suggérant que cette inflation est à la fois extérieure et temporaire, en ce qu'elle ne donne pas lieu à des effets de second tour sur les salaires. Dans les pays en développement, l'inflation est davantage perçue comme un problème systémique, la hausse des prix des denrées alimentaires et des matières premières se répercutant sur les salaires et les prix des produits finis", note Natixis. "Les autorités publiques de ces pays ont énergiquement resserré leur politique monétaire, via un relèvement des taux d'intérêt et d'autres mesures non conventionnelles pour combattre ces effets de second tour." "Nous pensons que ces deux perspectives doivent être replacées dans le cadre d'un phénomène global, où la hausse des prix des matières premières joue un rôle important dans la redistribution progressive des revenus à l'échelle mondiale, les pays développés rattrapant leur retard sur le G3. Ce processus pourrait également passer par l'appréciation des devises des pays en développement, mais les taux de change étant essentiellement fixes, le rattrapage s'effectue nécessairement via un ajustement des prix et des salaires." "Il est utile de considérer les exemples historiques que sont le miracle japonais après la seconde guerre mondiale et le développement rapide de la Corée du Sud. Pendant la période qui a suivi la guerre, l'économie japonaise a connu une croissance exceptionnelle, durant laquelle le pays a rattrapé l'Europe et les Etats-Unis. Au cours de cette période, le Japon, a connu deux régimes de change très différents. Pendant une première phase, jusqu'en 1971, le Japon a fermement indexé sa devise sur le dollar, et connu une rapide hausse des salaires ainsi que des prix. Au cours de la seconde phase, après 1971, le yen a pu s'apprécier librement vis-à-vis du dollar, avec un net ralentissement de la hausse des salaires et de l'inflation." "En Corée du Sud, dont la devise s'était en fait dépréciée vis-à-vis du dollar au cours de cette période, le rattrapage s'est effectué en totalité via les salaires, le rythme de hausse des salaires et de l'inflation excédant largement celui enregistré aux Etats-Unis." "La Chine, comme d'autres pays en développement, fait tout son possible pour éviter l'appréciation de sa devise vis-à-vis des devises des pays du G3. En conséquence, le rattrapage s'effectue essentiellement via une hausse des salaires plus rapide que celle enregistrée dans les pays du G3. Si ce rattrapage est enclenché depuis une vingtaine d'année, il reste encore un long chemin à parcourir. Comme le montre l'expérience du Japon et de la Corée du Sud, ce mouvement s'accompagnera sans doute d'un rythme plus élevé de hausse des salaires et de l'inflation." "Les prix des matières premières jouent un rôle central dans ce processus de rattrapage. En raison de la hausse relative des salaires dans les pays en développement, ainsi que de leur dépendance d'un modèle de croissance essentiellement fondé sur l'industrialisation, la demande de matières premières des pays en développement va inéluctablement augmenter en termes absolus et relatifs par rapport à la consommation des pays du G3. La demande des pays en développement représentant une part importante de la demande mondiale de matières premières (notamment la demande des pays de la zone BRIC et d'autres pays émergents) la hausse de la demande a un impact déterminant sur le prix de ces matières premières." "Les pays en développement ont le choix entre deux options. Si le taux de change est maintenu inchangé, la demande domestique de matières premières augmente grâce à la hausse rapide des revenus locaux. Si à l'inverse, ces pays laissent leur devise s'apprécier, le pouvoir d'achat domestique progressera également par rapport aux matières premières et produits finis, en évitant le risque d'inflation." "A l'échelle mondiale, la croissance ne peut dépasser le point où la demande de matières premières est supérieure à l'offre disponible. Lorsque les marchés des matières premières sont en déficit, la hausse rapide des cours freine la croissance mondiale. De ce fait, une situation caractérisée par une croissance relativement faible et des capacités disponibles dans les pays du G3 est parfaitement compatible avec une forte hausse des prix des matières premières, si la croissance des pays en rattrapage est suffisante pour assécher l'offre de matières premières." "Jusqu'à présent, la Chine a choisi de maintenir son taux de change globalement inchangé et la plupart des autres pays en développement ont effectué, à des degrés variables, un choix similaire. Cela signifie qu'il existe dans ces pays une tendance naturelle à la hausse des salaires et à l'inflation, exigeant que les autorités monétaires contrôlent l'inflation domestique. Lorsque l'inflation est sous contrôle, les autorités laissent libre cours à une accélération de la croissance qui se traduit au final et inévitablement par une pression à la hausse sur les prix des matières premières." "Les pays en développement doivent donc choisir entre deux modèles de croissance, l'un impliquant un taux de change fixe et un niveau de salaires et d'inflation plus élevé, l'autre une appréciation du change accompagnée de salaires plus bas et une inflation plus modérées. Dans le premier modèle, les risques sont ceux associés à l'inflation, tels que la mauvaise allocation des ressources, les perturbations sociales et économiques et l'accumulation inévitable de réserves de change. Dans le second modèle, le risque est essentiellement une détérioration de la compétitivité des biens marchands." "Dans tous les cas, la hausse des prix des matières premières est le corollaire inévitable du processus de rattrapage, mais la nature de l'inflation domestique et le cycle économique qui en résulte dépendent pour l'essentiel des choix de politique économique des gouvernements. Etant donné que l'atténuation des effets de base résultant de la hausse des prix des matières premières en 2010 va bientôt se traduire par une baisse de l'inflation générale, les pays en développement devraient autoriser une accélération de la croissance au cours des prochains mois." "Nous privilégions donc une pause temporaire des cours, avant une hausse au lors des six à douze prochains mois. Malgré des perspectives de croissance relativement modestes dans le pays du G3, le processus de rattrapage en cours (via l'industrialisation et l'urbanisation) dans les pays en développement, est potentiellement suffisamment vigoureux pour susciter une nouvelle poussée des matières premières l'an prochain." AUT/ALO