Dettes locales chinoises: un problème surmontable (Axa IM)

18/08/2011 - 15:23 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Alors que la dynamique des dettes publiques en Europe et aux Etats-Unis soulève de nombreuses questions, la Chine se trouve également confrontée à une dérive de ses finances publiques locales. Les contours de cette dette sont flous mais sa taille est loin d'être anodine et le risque de crédit est élevé. Si la gestion de ce risque de crédit ne semble pas soulever de problèmes insurmontables, les conséquences sur la conduite de la politique économique apparaissent plus profondes", note Axa IM. "La loi budgétaire de 1994 oblige les collectivités locales à équilibrer leur budget ; autrement dit, hormis à quelques exceptions strictement encadrées par le gouvernement central, le recours à la dette négociable ou à la dette bancaire est interdit." "Pour contourner cette contrainte, notamment pour les investissements lourds, des agences et des véhicules d'investissement ad hoc (LGFV) ont été mis en place, soit contrôlés directement par les autorités locales, soit bénéficiant de garanties plus ou moins explicites. Estimée entre 27% et 36% du PIB en fonction du périmètre retenu, la taille de la dette locale est importante mais difficile à quantifier. En ne retenant que les dettes contractées par des entités directement sous le contrôle des collectivités locales, l'Office national d'audit (NAO) situe la dette locale à 10.717 milliards de RMB à fin 2010 (soit 22% de l'encours total des prêts bancaires), contractée par 6.576 LGFV." "De son coté, la banque centrale opte pour une approche plus économique que juridique. Elle considère qu'il y a plus de 10.000 LGFV dépendant plus ou moins formellement d'un gouvernement local, représentant une dette n'excédant pas 30% de l'encours (on notera l'imprécision), soit au plus 14.400 milliards de RMB fin 2010. A cette dette locale (27% à 36% du PIB) vient s'ajouter à la dette des autres composantes du secteur public (gouvernement central, banques de politique économique, etc) soit environ 37% du PIB, pour un total compris entre 64% et 73% du PIB." "Un chiffre élevé pour un pays émergent mais qui doit être relativisé par la croissance potentielle du pays. Dans les cinq prochaines années, la croissance du PIB en volume devrait très probablement se maintenir au-dessus de 7% à 8% par an. Les conditions de l'équilibre financier des LGFV sont au coeur des préoccupations. Schématiquement, trois points faibles peuvent être identifiés. Premièrement, il y a une inadéquation flagrante entre les financements des projets, essentiellement sur des maturités de court et moyen termes et les cash-flows qui courent sur longue période. Ainsi, en 2011, 25% de la dette mesurée par le NAO arrivera à maturité et encore 28% au cours des deux années suivantes." "Deuxièmement, les décisions d'investissement prises en 2009 et 2010 ont été souvent laxistes et la rentabilité des projets n'est pas acquise. En juillet 2010, les médias ont rapporté les conclusions d'une étude qui n'avait pas été rendue publique de l'autorité de tutelle des banques, la CBRC, selon laquelle seuls 27% des prêts pourraient être remboursés par les revenus des projets. 50% impliqueront la mise en oeuvre des collatéraux et 23% ne pourront être remboursés, ce qui implique que les collectivités locales concernées devront combler le passif." "Troisièmement, les garanties apportées par les collectivités locales seront parfois difficiles à mettre en oeuvre en cas de défaut des LGFV. Depuis la réforme fiscale de 1994, les collectivités locales chinoises doivent gérer un déséquilibre structurel de leurs finances. Le gouvernement central collecte la plus grande partie des recettes, tout en laissant l'essentiel des dépenses d'éducation et de protection sociale, de plus en plus lourdes, aux autorités locales." "Ainsi, en 2009, malgré les dépenses engagées pour le plan de relance, le gouvernement central a affiché un excédent de 6,1% du PIB alors que le déficit des collectivités atteignait 8,4%. Le risque de crédit est élevé et menace la qualité de l'actif des banques chinoises. Si aucune mesure préventive n'est prise, l'encours des créances non performantes pourrait progresser rapidement et fortement, alors même que le développement mal contrôlé des activités hors-bilan des banques fragilise les fonds propres de ces dernières." "Il semble peu probable que le gouvernement central laisse le secteur bancaire faire face seul à une éventuelle progression des taux de défaut sur la dette locale. Les medias ont déjà rapporté, début juin, que le gouvernement envisagerait de reprendre à sa charge de 2.000 à 3.000 milliards de RMB de dette locale, probablement la fraction pour laquelle les cash-flows attendus et les collatéraux ne permettront pas de rembourser les prêts bancaires. Le gouvernement n'a pour l'heure pas confirmé. Pour les autres prêts, ceux pour lesquels il y a un risque d'illiquidité mais pas de solvabilité, la gestion dans le temps est nécessaire pour permettre aux banques de provisionner sans peser trop lourdement sur leurs fonds propres. Plusieurs options sont envisageables pour y parvenir." "L'alignement des maturités entre le financement et les revenus d'investissement via un plus grand recours à de la dette obligataire longue par les collectivités locales est une piste souvent évoquée mais qui bute jusqu'à présent sur un manque de volontarisme de la part de Pékin. Jusqu'à présent, le ministère des Finances est seul habilité à émettre des obligations pour le compte des collectivités qui en font la demande. Mais sur les sept premiers mois de l'année, à peine 49,3 milliards de RMB ont été émis (alors que la dette locale arrivant à maturité en 2011 devrait atteindre 2.645 milliards de RMB)." "Cependant, l'objectif reste bien, à terme, de laisser une plus grande marge de manoeuvre aux échelons locaux pour leur financement. En parallèle, le gouvernement central pourrait faciliter les transferts fiscaux à destination des échelons administratifs inférieurs (notamment les comtés et les municipalités), ceux dont la situation financière est la plus fragile et qui représentent 70% de la dette locale. Plus fondamentalement, compte tenu de la montée des charges des collectivités (en particulier l'éducation et la santé), il conviendrait de renforcer les ressources de ces collectivités, que ce soit en relevant les taxes locales, notamment sur l'immobilier ou en leur allouant une proportion plus importante des recettes du gouvernement central." "Dans tous les cas, il s'agirait de mesures dont les effets mettront du temps à se matérialiser. Les solutions pour éviter une progression trop rapide des créances non performantes existent et, à condition qu'elles soient mises en oeuvre, la Chine devrait gérer la question des dettes locales sans trop d'encombres. Pour autant, la conduite de la politique économique risque d'en être affectée." "La pression est aujourd'hui forte sur les fonds propres des banques, à la fois via la qualité des actifs et les opérations hors-bilan. La CBRC a durci cette année les règles prudentielles sur certaines catégories d'actifs et la très forte expansion du crédit ces deux dernières années obligera les banques à renforcer leurs fonds propres, que ce soit par émission d'actions, de dette subordonnée ou par non-distribution des bénéfices. On notera sur ce dernier point que le maintien de marges d'intérêt élevées est une condition essentielle." "Quel que soit le moyen, le gouvernement chinois a désormais intérêt à limiter la croissance des prêts bancaires. Par ricochet, cela revient également à limiter l'investissement. Or, depuis les profondes restructurations de l'économie chinoise de la seconde moitié des années 1990, l'investissement financé à crédit a constitué le principal levier de la politique économique contra-cyclique menée par Pékin. En cas de ralentissement de la croissance en deçà des 8%, non seulement le volume des crédits ne pourrait être accru de manière décisive mais aussi les taux d'intérêt sur les crédits présenteraient une certaine rigidité à la baisse, toujours pour préserver les marges nettes d'intérêt." "Dès lors, la politique contra-cyclique va avoir tendance à reposer davantage sur son versant budgétaire, notamment via les dépenses du gouvernement central, avec pour objectif principal la consommation privée. Pour ce faire, la réforme de la protection sociale sera décisive pour réduire la propension à épargner et renforcer les effets multiplicateurs. Un tel scenario est de toute manière rendu inéluctable par la nette réduction de l'excès de main-d'oeuvre agricole ces dernières années, phénomène qui se traduit par une plus grande élasticité de l'offre de travail aux variations de salaires." "Le partage de la valeur ajoutée devenant plus favorable aux salaires, il devrait en découler une consommation plus forte. Par la force des choses, l'objectif du Plan quinquennal 2011-2015 de rééquilibrer le modèle de croissance du pays de l'investissement vers la consommation a de grandes chances d'être atteint. Dans ce cadre, l'accélération de l'appréciation du yuan face au dollar ces dernières semaines fait sens, même si d'autres facteurs rentrent en compte. Tant que les opérations financières avec l'étranger ne seront pas libéralisées, le yuan continuera sa lente appréciation." AUT/ALO