Jeu de chaises musicales maléfiques sur les marchés (Barings)

30/08/2011 - 14:49 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Les marchés semblent engagés dans un jeu de chaises musicales maléfiques. La Grèce a été un perdant régulier au cours des dix-huit derniers mois mais l'Irlande et le Portugal la rejoignent et le rythme s'accélère. Chaque semaine, un nouveau pays est la cible d'attaques hostiles sans aucun moyen de se défendre. L'Italie, l'Espagne les Etats-Unis et la France ont ainsi été visés. La croissance est au coeur du problème, ou plutôt le manque de croissance. C'est là la cause essentielle de la crise de la dette souveraine en Europe et de la récente panique boursière", note Barings. "La faiblesse de la croissance du PIB érode les hypothèses de recettes budgétaires, ce qui non seulement mine les plans de stabilisation des dettes publiques mais pèse aussi sur la demande globale, sur les revenus des entreprises et sur les perspectives de bénéfices." "Après les dernières initiatives en Europe et aux Etats-Unis, les marchés ont eu un coup de colère. Les initiatives politiques paraissent trop tardives, insuffisantes et ne font surtout que confirmer le ralentissement de la croissance, lié au resserrement fiscal et à la recapitalisation des banques. Aucune de ces initiatives ne permet de surmonter les obstacles auxquels se heurte la croissance économique. Peut-être les marchés financiers attendaient-ils trop de la part des Etats, mais le résultat est que la confiance décline dans tous les pays occidentaux." "Les plus pessimistes pensent sans doute que tous les leviers politiques ont été utilisés (mesures fiscales, taux d'intérêt à zéro, injection de liquidités) et ce, avec peu d'impact sur la croissance réelle alors que les marchés exigent maintenant que les déficits publics soient sous contrôle. Des mesures d'austérité budgétaire apparaissent partout. Pour la plupart, les gouvernements vont avoir du mal à les mettre en oeuvre et certains pays en seront incapables sans une supervision étroite ou sans le contrôle d'entités supérieures." "Mais le problème n'est pas seulement le fait de petits pays. Il est aussi de taille pour la France. Dans les années 1970, la France était endettée à environ 15% du PIB. Depuis, la dette a augmenté inexorablement pour s'élever maintenant à 80% du PIB. Mais quel aurait été le taux de croissance en France sans les aides publiques ? Plus inquiétant pour les dirigeants français, en quarante ans, ils n'ont jamais mené une politique d'austérité sur les dépenses publiques. C'est pourtant maintenant ce que les marchés et leurs partenaires européens exigent." "Le dernier sommet franco-allemand ne fera pas de miracle et il ne nous semble pas que l'Allemagne soit politiquement prête à faire bénéficier toute l'Europe de sa notation de crédit. Sans une émission obligataire collective (ou toute autre forme collective de partage du fardeau budgétaire) les marchés vont continuer à tester la fragilité des structures du système européen." "Chez Barings, depuis le début de la crise en 2007, nous avons toujours dit que le processus de reprise en occident serait long et difficile. En occident, le taux de croissance devrait rester bas dans la mesure où il faudra des années aux consommateurs pour rembourser leurs dettes et que les gouvernements vont devoir passer des plans de soutien fiscal à l'austérité budgétaire. Nous étions cette année dans la fourchette basse des estimations de croissance, mais nous avons cependant encore dû la revoir à la baisse." "La confiance est une partie du problème, chez les consommateurs mais aussi et surtout chez les chefs d'entreprise. Un des rares domaines pour lequel nous espérions voir de la croissance en occident était les investissements des entreprises, dans les structures, les installations ou les équipements. Et en effet il y a eu un regain bénéfique sur cette zone avec la hausse des bénéfices et l'amélioration des bilans." "Mais depuis le printemps, il est flagrant que la croissance ralentit et cela a coïncidé avec les tâtonnements politiques en matière de contractions budgétaires aux Etats-Unis comme en Europe pour les prochaines années. Cela rend l'horizon incertain. Pour fin 2011 et 2012, les perspectives sont sombres. Les données actuelles sont faibles et la croissance anémique. Un nouveau resserrement des normes de crédit bancaires constitue un risque." "Cela semble déjà le cas en Europe où les banques ont des difficultés croissantes pour se financer. Même si les autorités peuvent mettre fin au problème de liquidités qui pèse sur le système bancaire, il leur sera néanmoins très difficile de compenser les effets économiques réels de la solidification des bilans pour répondre aux attentes des marchés, à moins que les autorités commencent à prêter directement aux clients des banques. En outre, cela va à l'encontre de l'orientation générale des banques à travers le monde qui veut qu'elles se recapitalisent et qu'elles améliorent leur bilan." "Aux Etats-Unis, la confiance est aussi fragile avec la décision du congrès sur le plafond de la dette et la dégradation de la notre de la dette par S&P. La Fed est intervenue pour tenter d'endiguer la nervosité du marché en s'engageant à maintenir ses taux à des niveaux proches de zéro pour encore au moins deux ans et elle est en train de discuter de nouvelles initiatives en matières d'injections de liquidités. Cela donnerait à court terme quelque répit au marché, mais les investisseurs sont susceptibles d'être très sceptiques sur son efficacité sur la croissance réelle." "En Europe, les responsables font tout pour régler les détails techniques sur le second plan d'aide à la Grèce, mais la ratification par les parlements européens nationaux n'interviendra qu'en octobre. En attendant, la BCE achète des obligations italiennes et espagnoles. A court terme, cela a un impact bénéfique en permettant de faire baisser les taux. Mais si cela n'était qu'une action ponctuelle, le marché pourrait de nouveau défier la BCE." "La Suisse a souffert de son statut de valeur refuge et le franc suisse a augmenté de 20% par rapport à l'euro depuis mars. Même des taux négatifs n'ont pas découragé les flux de capitaux. La Suisse se demande s'il lui faut relier fermement sa monnaie à l'euro pour défendre sa position concurrentielle." "L'inflation chinoise reste très élevée à 6,5%. Le niveau d'activité reste très robuste et le durcissement monétaire gouvernemental n'a pas porté ses fruits. Même si le gouvernement a affiché sa volonté de faire passer la croissance économique vers la consommation domestique, les chiffres ne montrent pas une diminution des énormes exportations chinoises. Avec le peu de moyens disponibles en occident pour stimuler la croissance, les craintes de la Chine par rapport à l'endettement américain pourraient conduire à une attitude plus protectionniste." "La Chine a déjà beaucoup fait pour répondre aux exigences américaines sur les changes avec un mouvement qui, bien que lent, aboutit à une revalorisation cumulée de 20% depuis 2005. Si la Chine procède à un changement majeur dans sa gestion des changes et montre sa volonté de devenir un importateur majeur, le monde en serait très soulagé, mais cela reste peu probable." AUT/ALO