Chine : le combat contre les tensions des prix agricoles n'est pas fini

13/09/2011 - 12:04 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Les derniers signaux envoyés, tant par les pays développés que les pays sous-développés, laissent peu de doutes sur le fait que l'économie mondiale ralentit, et que ce ralentissement économique pourrait même être sévère. Celui-ci sera toutefois d'une ampleur très différente dans les pays du G3 et dans les pays en développement. Ces derniers, qui ont enregistré une forte croissance au cours des dernières années, connaîtront une croissance moins forte mais toujours vigoureuse et la Chine ne devrait pas faire exception", note Natixis. "En Chine, les tensions inflationnistes (essentiellement liées à la forte hausse des prix énergétiques et alimentaires l'an dernier) ont provoqué un durcissement notable de la politique monétaire, qui s'est répercutée dans l'économie via différents canaux." "La production industrielle ralentit, la consommation des ménages faiblit, les marchés actions manquent de direction et le marché immobilier est freiné. La croissance chinoise devrait toutefois atteindre 9,2% en 2011, grâce au maintien des investissements vigoureux, tant dans l'industrie que dans les infrastructures. Sur les marchés agricoles, le poids de la Chine, qui joue déjà un rôle majeur sur les marchés de l'énergie et des métaux, croît rapidement." "Après avoir été auto-suffisante pendant de nombreuses années, la Chine est devenue le premier importateur mondial de soja (52 Mt au cours de la saison 2010-2011 contre 10 Mt en 2000) et un important importateur net de maïs (1,29 Mt en 2010). Le développement de ses capacités de stockage et de broyage, ainsi que la modification rapide du régime alimentaire d'une classe moyenne en pleine expansion, contribuent à expliquer l'appétit vorace du géant asiatique." "Les conditions météorologiques défavorables subies récemment par la Chine ont également pesé sur sa production. Les principales régions productrices de maïs du nord de la Chine, ont été affectées en 2009 par la pire sécheresse depuis 50 ans, et de graves inondations ont frappé les régions méridionales en 2010." "La forte demande chinoise de soja, et plus récemment de maïs et de sucre, est un déterminant clé de l'évolution des prix agricoles. La florissante filière chinoise de la viande bénéficie également de l'expansion d'une classe moyenne plus aisée, au moment où les préférences alimentaires évoluent vers un régime plus riche en protéines. La consommation chinoise de viande de porc a régulièrement augmenté depuis 2007 et devrait atteindre 38 kilos par habitant en 2011, contre 31 kilos en 2000. Le cheptel porcin devrait atteindre 689 millions de têtes cette saison, contre 677,8 millions de têtes en 2009-2010. De ce fait, la demande d'aliments pour le bétail (maïs, soja et/ou blé) explique l'essentiel de l'augmentation de la demande de céréales et une partie de la hausse de la demande de soja." "La Chine pourrait représenter 17,5% de la production mondiale de viande, de maïs et de soja cette saison, contre 16,3% en 2009-2010. Dans le même temps, on estime à 20% la part de la Chine dans la consommation mondiale de ces trois produits pour la saison 2010-2011, contre 19% l'an dernier. La Chine est un acteur majeur sur le marché du blé, pesant en 2010-2011, 17,8% de la production mondiale (pratiquement stable en GA à 115,18 Mt) et 16,7% de la consommation mondiale (109,5 Mt)." "En 2010-2011, la demande chinoise de blé devrait augmenter de 2,3% en GA. Il a toutefois été observé que l'évolution de la consommation de blé par habitant semble s'inscrire sur une tendance baissière en raison d'une élasticité revenu négative, les consommateurs s'orientant vers des produits plus chers au détriment du blé." "La Chine est le deuxième producteur mondial de maïs après les Etats-Unis. Après la forte chute de la production de maïs, provoquée par la sécheresse de 2009, la production devrait se redresser nettement cette année : elle est attendue à 173 Mt environ (en hausse de 9,5% en GA), soit 21% de la production mondiale. La consommation, chinoise de maïs devrait être légèrement inférieure à ces chiffres, à 172 Mt, en hausse de 8,2% en GA, soit 20,4% de la consommation mondiale." "En 2009-2010, la forte chute de la production (en baisse de 7,9 Mt) en raison de la sécheresse exceptionnelle avait obligé la Chine à faire appel au marché international pour satisfaire la demande croissante du secteur de l'élevage. La Chine est donc devenue importateur net de maïs pour la première fois de son histoire avec des importations de 1,3 Mt en 2010, et 1,5 Mt en 2011, et devraient s'élever à 2 Mt pour la saison en cours." "Au cours de la dernière décennie, la Chine est devenue le premier consommateur mondial de soja. La consommation chinoise pourrait atteindre 66,05 Mt cette saison, en hausse de 11,1% en GA, et représenter 27,4% de la consommation mondiale. La Chine pourrait toutefois ne produire que 15,1 Mt de soja en 2010-2011 (soit 5,7% de la production mondiale, contre 15% au milieu des années 80). Le déséquilibre croissant entre l'offre et la demande a conduit les autorités chinoises à importer 52 Mt de soja en 2010-2011." "Au cours des vingt dernières années, la demande chinoise de soja est passée de 8,7 Mt en 1992-1993 à 55,1 Mt en 2010-2011 (+550%), tandis que la production augmentait de seulement 46,6% à 15,1 Mt. Cet écart croissant peut s'expliquer par le développement de la production de blé et de maïs aux dépens du soja. Alors que la surface cultivée de soja est restée globalement stable à 8,8 millions d'hectares depuis le milieu des années 60, la surface cultivée de maïs a presque doublé au cours de la même période et devrait atteindre 31,5 millions d'hectares cette saison." "Comment nourrir une population de 1,34 milliard d'habitants : c'est un des principaux défis que la Chine devra relever au cours des prochaines années. En vue de soutenir et de stimuler son agriculture, la Chine met en oeuvre une politique agricole ambitieuse, dont le budget atteindra 125 milliards de dollars en 2010-2011, un montant supérieur en valeur absolue aux budgets agricoles des Etats-Unis ou de l'Europe. La hausse récente des cours des produits agricoles a joué un rôle essentiel dans la forte augmentation de l'inflation chinoise : la hausse des prix des denrées alimentaires est avec celle des prix énergétiques, le principal déterminant de l'inflation chinoise." "Le principal objectif de la politique agricole chinoise est donc de sécuriser la production de céréales et d'oléagineux de sorte que le ratio production-consommation soit maintenu à un niveau aussi élevé que possible au cours des prochaines années (l'objectif est fixé à 95% environ en 2010-2011). Le 6 septembre, le ministère chinois de l'agriculture a publié son douzième plan quinquennal, définissant les principaux moyens retenus pour atteindre ces objectifs. Les surfaces cultivées devraient rester globalement stables à 106 millions d'hectares, assurant une production céréalière d'environ 540 Mt par an, un niveau légèrement inférieur aux 546 Mt en 2010." "La production d'oléagineux devrait atteindre 35 Mt en 2015, contre 32,3 Mt en 2010, et les autorités chinoises cherchent à favoriser l'augmentation de la valeur ajoutée du secteur primaire de 5% par an entre 2011 et 2015. Via des outils tels que des prix de rachat garantis, les autorités chinoises comptent augmenter la production céréalière de 50 Mt d'ici 2020. De plus, la sécurité alimentaire sera également assurée par la construction de nouvelles installations de stockage : elles ont atteint une capacité de 390 Mt en 2010 (représentant 70% de la consommation) contre 375 Mt en 2009." "Le développement de l'industrie agroalimentaire est l'autre élément essentiel de la politique agricole chinoise. Selon le CNGOIC, la capacité de broyage de soja devrait atteindre 100 Mt en 2011, contre 87,7 Mt l'an dernier. Toutefois, seulement 55 Mt de soja ont été broyées en 2011, soit un taux d'utilisation des capacités de 55% seulement, en forte baisse par rapport aux 64,9% de la saison dernière. La rapide industrialisation et urbanisation de la Chine est un élément essentiel à prendre en compte par les politiques pour garantir la sécurité alimentaire du pays." "Les terres les plus fertiles étant situées dans les zones qui connaissent la plus forte croissance industrielle, l'arbitrage foncier entre terres agricoles et développement urbain pousse les autorités chinoises à explorer de nouveaux moyens permettant d'améliorer les rendements agricoles. L'usage plus intensif des facteurs de production et l'amélioration des techniques agricoles sont donc impératifs pour atteindre l'amélioration indispensable des rendements agricoles." "Toutefois, même si le géant asiatique parvient à améliorer sa productivité agricole, la Chine continuera à jouer un rôle majeur sur les marchés internationaux en raison de la croissance régulière de la demande de céréales et d'oléagineux. La modification du régime alimentaire d'une classe moyenne en expansion et l'augmentation des capacités de stockage et de broyage sont des indicateurs qui renforcent ce scenario. En conséquence, le combat du Dragon contre les tensions inflationniste sur les marchés agricoles pourrait ne pas être encore fini." AUT/ALO