La BCE devra monétiser la dette des pays GIIPS (A. Edwards - SG)

02/11/2011 - 16:15 - Option Finance

(AOF / Funds) - Les tentatives de plus en plus désespérées des dirigeants de la zone euro visant à persuader les marchés de tirer un trait sur la crise actuelle sont vouées à l'échec, même si les dernières mesures apporteront un certain répit à court terme, affirme l'analyste de Société Générale, Albert Edwards. "Je n'ai guère confiance en la capacité des Etats à redresser la situation dans les limites du projet de l'UEM. Cependant, je me sens plus optimiste." Selon lui, sous la pression des événements, la BCE sera forcée de monétiser la dette des pays GIIPS et au-delà. "Si les investisseurs estiment que l'Espagne et l'Italie sont à court d'argent, l'Allemagne et la France, sans oublier le Royaume-Uni et les Etats-Unis, sont dans une situation bien plus catastrophique." "S'il y a un événement qui m'a réellement surpris dans la crise de la zone euro, c'est de voir l'Italie emportée à son tour dans la tempête. En effet, contrairement aux autres pays périphériques (GIIPS), l'Italie n'a jamais souffert de taux bas inappropriés entre 2003 et 2007. La politique de taux unique de l'UEM était clairement inadaptée à la Grèce, à l'Irlande, au Portugal et à l'Espagne (GIPS), et les phases d'expansion de l'immobilier et du crédit au secteur privé qui ont suivi ont fini par se transformer en récession." "Les forces de dépression qui se sont déployées ont été à l'origine de l'explosion des déficits du secteur public dans les GIPS. L'histoire de ces pays est en ce sens similaire à celle des Etats-Unis et du Royaume-Uni, avec une différence notable : les GIPS ne contrôlaient pas leur destinée, alors que les autorités monétaires britanniques et américaines étaient totalement incompétentes." "L'Italie n'a jamais connu de bulle menant à une récession. Sur la base de nombreuses mesures, dont les efforts honorables pour prendre en compte le hors-bilan, la dette du secteur public italien s'en tire bien comparée à celle d'autres pays. Ces engagements hors-bilan vont à présent devenir de plus en plus apparents." "A l'approche de la crise de 2008, la croissance de la demande intérieure dans la plupart des pays GIPS avoisinait 5% en glissement annuel, contre seulement 1,5% en Italie. Reflétant ces tendances, les GIPS affichaient des déficits courants abyssaux équivalant à 10% du PIB, alors que l'Italie présentait un léger déficit extérieur de 2% du PIB. La situation de l'Italie était donc très différente." "La dette publique de l'Italie a pu paraître excessive (supérieure à 100% du PIB), mais elle dépasse les 100% depuis de nombreuses années et n'était pas, il y a peu de temps encore, différente de celle de la Belgique. Le déficit budgétaire de l'Italie était sous contrôle, avec un déficit du secteur public à l'approche de la crise de seulement 1,5% en 2007 et un excédent primaire de 3,5% (déficit hors paiements des charges d'intérêt)." "En raison de la nature des bulles du crédit au secteur privé dans les GIPS, lorsque la situation s'est inversée en 2008, les déficits du secteur public dans tous ces pays ont franchi les 10% du PIB, comme aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Le déficit du secteur public de l'Italie a en revanche augmenté de manière plus modeste, le pays n'ayant pas été confronté à l'éclatement d'une bulle du crédit domestique." "Le déficit public corrigé des variations du cycle conjoncturel de l'Italie n'a de fait augmenté que de 0,5% entre 2007 et 2009, contre +6,4% en Grèce, +8,2% en Irlande, +5,2% au Portugal et +9,5% en Espagne. Pour que la comparaison soit encore plus frappante, le déficit corrigé des variations conjoncturelles de l'Italie a augmenté de 0,5%, alors que ceux de l'Allemagne, de la France et des Pays-Bas ont progressé de respectivement 1,0%, 2,6% et 4,6% !" Une variable capterait à elle seule l'ampleur des difficultés économiques de l'Italie : le PIB par habitant est aujourd'hui plus faible qu'il y a dix ans. Il s'agit de l'une des performances les plus médiocres parmi les pays avancés pour reprendre l'expression du FMI, rapporte l'analyste. "Le vrai problème réside dans la croissance incroyablement faible de la productivité de l'Italie." "Après avoir dépassé 2% en glissement annuel à la fin des années 1990, la croissance tendancielle du PIB italien est aujourd'hui à peine positive (...) et l'investissement en capital humain est médiocre. Un taux de croissance tendancielle proche de zéro implique que l'Italie ne peut sortir de son problème de dette et qu'elle restera très vulnérable aux chocs sur les marchés." "Avec le vieillissement des populations et l'apparition croissante au bilan d'engagements non financés, tous les Etats sont à court d'argent. (...) Les discussions actuelles au sein de la zone euro ne résoudront pas cette crise et la situation va largement empirer. La BCE devra faire un choix entre les deux idéaux auxquels elle est tant attachée : l'euro ou les principes d'une monnaie forte. En dépit des problèmes juridiques à contourner et de la mise en minorité de l'Allemagne, nous pensons que la menace imminente d'un éclatement de la zone euro obligera la BCE à faire tourner la planche à billets et à rejoindre ainsi à contrecoeur le club de l'assouplissement quantitatif." Mais, ajoute l'analyste, une monétisation des dettes par la BCE ne constituerait pas une solution et ne ferait que reproduire celle du président de la Reichsbank, Rudolf Von Havenstein, au début des années 1920. "Ce dernier avait continué à faire tourner la planche à billets car il redoutait que l'arrêt de ces mesures n'aboutisse à un chômage massif. La question que je me pose n'est pas de savoir si la BCE fera tourner la planche à billets mais plutôt si l'Allemagne quittera l'UEM, face à une telle débauche monétaire et dans l'hypothèse où son avis sur la BCE serait (à nouveau) rejeté." AUT/ALO