Le torchon brûle entre DANONE et Fonterra

09/01/2014 - 08:56 - Option Finance

(AOF) - La fausse alerte émise en août dernier par Fonterra concernant la contamination de lait infantile commercialisé dans 9 pays aura laissé des traces, et pas que du point de vue financier... Concerné au premier chef, Danone a décidé de mettre un terme à son contrat avec le groupe néo-zélandais et l'a accusé dans un communiqué incendiaire de "graves manquements dans l'application des standards de qualité exigés dans la filière alimentaire". Le géant français de l'agroalimentaire a par ailleurs indiqué conditionner la poursuite de sa collaboration à la plus totale transparence de son fournisseur. De même a-t-il exigé la mise en oeuvre effective des procédures de sécurité alimentaire les plus avancées pour tous les produits livrés à Danone. Surtout, le groupe dirigé par Franck Riboud va saisir la Haute Cour de Nouvelle-Zélande et lancer une procédure d'arbitrage à Singapour afin de faire la lumière sur les faits et d'obtenir réparation pour le préjudice subi. D'autres entreprises ayant elles aussi été affectées par le mauvais diagnostic de Fonterra, la première entreprise néo-zélandaise, et qui contrôle environ un tiers des exportations mondiales de produits laitiers, pourrait être confrontée à d'autres actions judiciaires dans les mois voire les semaines à venir. En attendant, elle a rejeté toute responsabilité vis-à-vis de Danone, qui avait évalué en octobre dernier à 280 millions l'impact du préjudice sur ses marges, et n'a pas caché sa déception devant la tournure des événements.

AOF - EN SAVOIR PLUS

Les points forts de la valeur

- Leader mondial de l'industrie alimentaire : premier dans les produits laitiers frais (55 % des ventes), les eaux embouteillées (18  %) et la nutrition médicale (6 %), deuxième dans la nutrition infantile (21 %) ; - Stratégie de long terme visant à simplifier le portefeuille d'activités, à renforcer la visibilité des marques, dont 5 dépassent les 500 millions d'euros de chiffre d'affaires, et à s'implanter durablement dans les pays émergents ; - Bonnes performances en termes de ventes et de rentabilité dans les " MICRUB ", ou six pays prioritaires définis par le groupe -Mexique, Indonésie, Chine, Russie, Etats-Unis et Brésil ; - Dynamisme de la division nutrition infantile, à très forte marge, et de la division eaux, grâce aux pays émergents (relance de la marque Mizone en Chine), et redressement fort en Russie (marques Unimilk) et en Amérique (yaourts grecs sous marques Oikos et Greek) ; - Renégociation de l'accord avec le japonais Yakult, détenu à 20 % : Danone ne montera pas dans le capital mais les deux groupes poursuivront leurs joint-ventures commerciales en Inde et au Vietnam ; - Après de longues difficultés à s'implanter en Chine, obtention de résultats concrets avec le groupe laitier Mengniu Diary, notamment la création d'une co-entreprise détenue à 20 % par Danone ; - Meilleure visibilité du pôle Eaux (marques Evian, Badoit...), après la prise de contrôle de Sirma qui fait du groupe le leader en Turquie, onzième marché mondial en volume, et après l'ouverture d'une usine " Solok " en Indonésie; - L'une des entreprises les mieux notées au monde en terme de " responsabilité sociétale des entreprises ".

Les points faibles de la valeur

- Encore une forte exposition à l'Europe de l'ouest (38 % des ventes) où le marasme de la consommation pèse sur la croissance et la rentabilité du groupe ; - Présence internationale insuffisamment diversifiée (alerte sur résultat en 2012 en raison des difficultés en Espagne, en 2013 en raison de celles en Chine) ; - Effet ciseau entre les prix structurellement élevés des matières premières (lait et emballage) et la concurrence des marques de distributeurs ; - Forte hausse du prix du lait en 2013, due à de mauvaises conditions météorologiques et à la crise de confiance sur la qualité des laits et yaourts en Asie ; - Sensibilité aux affaires sanitaires, celle affectant, à l'été 2013, le néo-zélandais Fonterra, premier exportateur mondial de produits laitiers et fournisseur important du groupe, ayant entraîné un avertissement sur résultat pour le groupe (fort repli des ventes dans les 8 pays asiatiques touchés) ; - Dans les produits laitiers orientés " santé ", difficultés à en faire reconnaître le caractère " médical " par les autorités publiques ; - Perte du statut de valeur défensive en raison du tassement de la rentabilité opérationnelle, pénalisée par la baisse des ventes en Europe et par les investissements dans les process industriels et les forces de vente dans les économies émergentes ;

Comment suivre la valeur

- Exécution du plan de restructuration lancé début 2013 sur 26 pays européens, concentré sur le personnel de direction et l'administration, a priori sans fermeture de sites industriels et visant à 200 MEUR d'économies ; - Retour à une croissance organique à partir de 2014 ; - Retombées des partenariats, dans les produits laitiers frais en Chine avec Cofco et Mengniu Dairy, dans les yaourts aux Etats-Unis avec Starbucks ; - Intégration des acquisitions 2013 : entrée dans la nutrition infantile bio avec Happy Family aux Etats-Unis, achat de l'américain YoCrunch, leader des yaourts avec garniture croustillante, et montée, à hauteur de 67 %, dans le capital de Centrale laitière, numéro un du lait et des yaourts au Maroc ; - Evolution des relations industrielles avec le groupe laitier chinois Mengniu Dairy avec qui a été créé en mai 2013 une joint-venture et dans le capital de qui Danone a pris une participation de 4 %, destinée à augmenter ; - Poursuite de l'expansion en Afrique, avec l'achat de Fan Milk (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Ghana, Nigeria, Togo) qui fait suite à celui de la Centrale laitière au Maroc ; - Réalisation des objectifs 2013, révisés en baisse en octobre : croissance des ventes entre 4,5 et 5 %, baisse de 80 points de base de la marge opérationnelle, free cash-flow entre 1,5 et 1,6 MdEUR ; - Société théoriquement opéable, sans actionnaire de référence, mais blocage par le biais de mesures dissuasives (droits de vote doubles, vote limité aux AG, autorisation financière en période d'offre publique...).

LE SECTEUR DE LA VALEUR

Agroalimentaire

Le secteur est soumis à de nombreux défis. Suite au scandale lié à l'introduction de viande de cheval dans des produits cuisinés étiquetés comme contenant du boeuf, les ventes de plats préparés s'effondrent sur les derniers mois. Cette affaire a impliqué aussi bien Findus que Picard ou Nestlé. A ce facteur négatif s'ajoutent des tensions entre industriels de l'agroalimentaire et distributeurs. Ces derniers réclament aux fabricants des baisses de prix ce qui pénalise les marges des industriels, qui sont confrontés aux prix élevés des matières premières (blé, lait, porc...). Selon l'ANIA (Association nationale des industries alimentaires) 5000 emplois du secteur sont menacés en 2013. FTB/ACT/