QUESTION DU JOUR/Qui sont les créateu rs d'entreprises ?

26/01/2007 - 19:00 - Option Finance

(AOF) - La création d'entreprises contribue indiscutablement à la bonne santé de l'économie. Par exemple, les chiffres de l'INSEE1 indiquent que sur la période 2002-2005, 300 000 entreprises ont été créées en moyenne chaque année. Sachant qu'environ la moitié des firmes sont encore en activité cinq ans après leur démarrage et qu'elles emploient alors 3,5 personnes en moyenne2, l'enjeu que représente la création d'entreprises apparaît immédiatement. Il est donc vraisemblable que, dans les semaines à venir, les candidats à l'élection présidentielle débattent des mesures qui pourraient faciliter la transition de l'activité salariée à celle d'entrepreneur3. Une fois posé le sempiternel problème des formalités administratives à remplir - vivre cette expérience édifiante fait rêver d'un guichet unique pour l'URSSAF, la CRAM, la taxe professionnelle, etc. -, il peut s'avérer utile de connaître qui sont réellement les entrepreneurs, en France et ailleurs. Ainsi pourrait-on plus efficacement concevoir une politique publique d'aide à la création d'entreprises - un quart des créateurs bénéficient du soutien de l'Etat. Sans d'ailleurs en faire une question d'idéologie. Faut-il rappeler qu'Apple, Compaq, Intel ou Federal Express ont bénéficié d'aides publiques avant d'avoir recours à des capital-risqueurs classiques ? Première question : les entrepreneurs sont-ils différents intellectuellement, psychologiquement, ou en termes d'expérience(s) professionnelle(s) du reste de la population ? Plusieurs études scientifiques le suggèrent. Par exemple, les entrepreneurs choisiraient d'acquérir une plus vaste palette d'expériences professionnelles que les salariés et bénéficieraient de qualités techniques plus larges qu'approfondies4. Dès lors, comment repérer les individus les plus prometteurs afin de leur accorder en priorité (?) des aides ou subventions ? D'autres résultats convergents apparaissent. Percevoir un faible salaire incite à créer sa propre activité, comme avoir subi une période de chômage dans les derniers mois. L'origine ethnique, variable utilisable pour le chercheur aux Etats-Unis, joue un rôle important, comme le niveau d'éducation et le sexe : mieux vaut être un homme blanc et diplômé. Ces faits appellent des réponses en termes de politiques publiques. Autre résultat intéressant : à profil et âge identiques, les entreprises créées par des femmes ont plus de chances de disparaître à l'horizon de cinq ans5, ce qui pose la question de la compatibilité de la vie familiale et de celle d'entrepreneur, et peut amener à proposer des solutions pour la résoudre. Avoir travaillé au sein d'une entreprise récemment créée et y avoir côtoyé des investisseurs, consultants, clients et fournisseurs accroît la probabilité de devenir entrepreneur6. Aussi, une politique qui favoriserait des pôles locaux où se développeraient des réseaux d'acteurs participant à la création d'entreprises pourrait être plus souhaitable qu'un éparpillement géographique des subventions. D'un point de vue purement financier, plusieurs enquêtes7 font apparaître que, pour les personnes interrogées et quel que soit le pays concerné, un frein à la création d'entreprises est le manque de moyens financiers personnels. Deux études récentes8 tendent pourtant à montrer, pour le cas des Etats-Unis, que les entrepreneurs potentiels obtiennent les fonds nécessaires à leur projet dès lors que celui-ci est rentable. Ce dernier constat est-il également valable en France ou la puissance publique doit-elle remédier à un problème de rationnement du crédit ? Il est regrettable de constater le manque - mais non l'absence - d'études en la matière. Encore une fois, de telles recherches pourraient éclairer le débat. 1. Statistiques disponibles sur le site www.insee.fr, rubrique "La France en faits et chiffres", onglet "Entreprises". 2. Toujours selon une étude de l'INSEE ("Nouvelles entreprises 5 ans après", Fabre et Kerjosse, 2006, INSEE). 3. Une vaste majorité d'entrepreneurs créent leur propre firme après une période d'activité salariée. Par exemple, Burton, Sorensen et Beckman (Research in the Sociology of Organizations, 2002) et Gompers, Scharsftein et Stein ("Entrepreneurial spawning", 2006, Journal of Finance) montrent que plus de 90 % des chefs d'entreprises de leur échantillon (Silicon Valley d'une part et firmes financées par capital-risque d'autre part) ont été salariés auparavant. 4. "Entrepreneurship", Lazear, 2002, Working paper GSB Stanford University. 5. A nouveau Fabre et Kerjosse, 2006. 6. A nouveau Gompers et al., 2006. 7. Par exemple, "International Social Survey Progamme", 1997-1998. 8. "Liquidity Constraints, Household Wealth, and Entrepreneurship", Hurst et Lusardi, 2004, Journal of Political Economy et "Wealth, Entrepreneurship and Occupational Experience", Francis et Demilrap, 2006, mimeo, John Hopkins University. Par Antoine Renucci, maître de conférences, Centre de recherche sur la gestion (Cereg), université Paris-Dauphine