L'Agence Internationale de l'Energie (AIE), dans sa grande étude prospective annuelle (le World Energy Outlook), publiée lundi 12 novembre, prédit un nouveau paysage énergétique mondial. Au cœur de ce bouleversement, la révolution gaz de schiste, qui promet de faire exploser l'offre de pétrole, ressource jusque là limitée. Afin de comprendre ce qu'il se passe et anticiper les conséquences sur les marchés, Sicavonline fait le point sur ce grand choc pétrolier.
Le constat de l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) est sans appel : « la carte énergétique mondiale est en pleine évolution, ce qui peut avoir de profondes répercussions sur les marchés et les échanges d'énergie. » Dans son étude annuelle, le World Energy Outlook, l'AIE propose un panorama des bouleversements énergétiques à venir dans lequel le pétrole occupe une place centrale...
L'AIE prédit une augmentation de la consommation de pétrole dans les décennies qui s'annoncent : la demande de brut devrait augmenter de 14% d'ici 2035. L'explication de cette envolée réside dans l'explosion des transports, notamment dans les pays émergents. « La croissance de la consommation de pétrole dans les pays émergents, particulièrement celle liée aux transports en Chine, en Inde et au Moyen-Orient, va plus que compenser la réduction de la demande dans l'OCDE, faisant monter nettement l'usage du pétrole » explique l'AIE. Le transport représente déjà plus de la moitié de la consommation pétrolière mondiale et cette part est amenée à augmenter en raison de l'accroissement du parc automobile mondial et des transports de marchandises.
Mais la planète est désormais en mesure de répondre à cette forte demande. Alors que le pétrole était jusque-là considéré comme une ressource limitée, les récentes avancées technologiques dans l'extraction du gaz et du pétrole de schiste changent la donne. Ces hydrocarbures non conventionnels vont en effet voir leur production augmenter brutalement en raison d'un choc technologique majeur : la fracturation hydraulique. Cette nouvelle méthode d'extraction du gaz de schiste, interdite en France pour des raisons environnementales, assure une production abondante de pétrole. Les gisements promettent ainsi d'être de plus en plus accessibles, et un choc d'offre des énergies fossiles paraît incontournable. Pour Alexandre Andlauer, analyste du secteur pétrolier chez Alphavalue, la révolution gaz de schiste va permettre à la planète de bénéficier de 100 années de réserves pétrolières supplémentaires ! Tout le secteur en sera automatiquement bouleversé.
Cette abondance a été confirmée par le secrétaire général de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) Abdallah El-Badr : "Le marché est très bien approvisionné, il n'y a aucun doute là-dessus (...) Il ne manque de pétrole nulle part dans le monde ", a-t-il indiqué lors de la conférence londonienne Oil & Money.
Les Etats-Unis ressortent grands bénéficiaires de cette révolution gaz de schiste. L'AIE prévoit que « aux alentours de l'année 2020, les États-Unis deviendront le plus gros producteur de pétrole mondial (dépassant l'Arabie Saoudite jusqu'au milieu des années 2020) » L'indépendance énergétique des USA est à portée de main : selon les prédictions de l'AIE, les importations pétrolières américaines devraient chuter, « à tel point que l'Amérique du Nord deviendra exportatrice nette autour de 2030. » « Les États-Unis, qui importent actuellement près de 20 % de leurs besoins énergétiques totaux, deviennent presque autosuffisants en termes nets -un renversement spectaculaire de la tendance observée dans la majorité des autres pays importateurs d'énergie. », conclue l'AIE.
Ces profonds bouleversements se feront ressentir bien au-delà de l'Amérique du Nord et du secteur énergétique. Pour Alexandre Andlauer, la tendance à la baisse des coûts de revient du pétrole et du gaz va se confirmer, ce qui devrait se répercuter sur le prix du baril, conduisant à une forte tendance déflationniste... L'analyste prévoit un baril à 50 dollars pour 2015 ! L'AIE table quant à elle sur un prix moyen du baril de brut autour de 125 dollars le baril en 2035.
L'abondance de l'offre de pétrole n'a pas encore été prise en compte par les marchés, selon Alexandre Andlauer. L'analyste insiste sur le fait que les champs pétroliers aux coûts d'extraction élevés (deep offshore, schistes bitumineux) s'avèreront peu ou pas rentables, en raison de la baisse du prix du baril. Et avec cette nouvelle donne, des groupes pétroliers, aujourd'hui prospères, pourraient bien vaciller (voir : Pétrole, un secteur à éviter ?).
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