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Chypre, une erreur que la zone euro n'a pas fini de payer

19/03/2013 - 23:34 - Sicavonline



Quelques heures avant que le parlement chypriote ne décide de rejeter la proposition de taxation des comptes bancaires soumise par son gouvernement, Marc Touati, le fondateur du cabinet d'analyse économique ACDEFI, nous accordait un entretien sur les enjeux de cette nouvelle crise européenne. A l'en croire, que le projet de taxation des dépôts bancaires des épargnants soit réellement appliqué ou non, sa simple formulation par les dirigeants européens suffit à replonger l'Europe dans un doute pernicieux.


Le gouvernement chypriote entendait taxer à 6,75 % les comptes bancaires compris entre 20.000 et 100.000 euros et à 9,9 % ceux supérieurs à 100.000 euros, l'Europe exigeant des contreparties à une aide d'urgence de 10 Mds d'euros. Au parlement chypriote, une majorité de 36 voix s'est prononcée contre cette taxation (On compte 19 abstentions), tandis que la BCE s'est dite prête « a apporter des liquidités si nécessaires et dans le cadre des règles existantes». Le rejet de cette proposition de taxation des dépôts permettra-t-il d'étouffer dans l'œuf cette nouvelle crise de la zone euro ? Peu avant que ne soit connu le vote des députés chypriotes, Marc Touati, le président du cabinet d'analyse économique ACDEFI, paraissait sceptique. Voici l'entretien qu'il nous a accordé. Pour visionner l'interview de Marc Touati sur Chypre, cliquez sur la vidéo ci-dessus. Le texte de l'interview ci-dessous.

Sicavonline : Marc Touati, la nervosité resurgit en zone euro avec les tribulations de Chypre. A l'heure où nous écrivons ces lignes nul ne peut dire comment les choses vont s'achever mais est-ce que quoi qu'il arrive on n'a pas rallumé la crise pour longtemps avec ce projet de prélèvement autoritaire sur les comptes des épargnants chypriotes ?

Marc Touati : Complètement. Il s'agit d'une décision totalement irresponsable des dirigeants européens et du FMI. Ce qui est fou, c'est que l'on réédite les mêmes erreurs que l'on a pu commettre avec l'Argentine voilà une dizaine d'années. On est en train d'ouvrir une boîte de Pandore avec ce projet de prélèvement autoritaire sur les comptes bancaires des chypriotes --projet qui je le rappelle contrevient de surcroît à la réglementation bancaire européenne qui proscrit une taxation unilatérale des dépôts. Et on peut se demander, si Chypre applique cette mesure, si d'autres pays ne suivront pas le même chemin. L'autre problème est que Chypre est déjà en récession depuis 2008 -preuve que son entrée dans la zone euro qui remonte à la même année ne lui a pas porté bonheur- et ce projet de taxation, en sapant davantage la confiance des épargnants locaux, ne va pas aider l'économie chypriote à se redresser.

Dans le « Dictionnaire terrifiant de la dette » que vous avez publié aux Editions du Moment, une entrée est consacrée à Chypre de façon assez prémonitoire. Vous écrivez d'ailleurs que Chypre n'était pas taillé pour intégrer la zone euro.

Le gros problème de Chypre fut qu'en rentrant dans la zone euro, il s'est privé de l'arme du taux de change, une arme qu'il ne peut plus actionner depuis qu'il a adopté l'euro. En temps normal, lorsqu'une récession survient dans un pays aussi fragile que Chypre, on dévalue pour relancer la machine. En l'occurrence, c'est pour lui devenu impossible avec l'adoption de l'euro comme monnaie, un euro qui a été doublement pénalisant pour l'économie chypriote puisqu'il était de surcroît très fort en 2008, et il l'est sans doute encore trop aujourd'hui. C'est tout cela qui a aggravé la récession et non pas, comme je l'entends dire, le sauvetage des banques. Que ce soit clair, la dette de Chypre a augmenté à cause de la récession ! Avant que Chypre ne fasse partie de la zone euro, sa dette ne représentait que 45 % du PIB. A présent, elle s'élève à 97 % de celui-ci. La récession a entraîné une aggravation des déficits, et on en voit où on en est aujourd'hui.

L'entrée dans la zone euro est donc pour vous à l'origine des maux de Chypre...

Et le fait que l'euro soit trop fort. Si l'euro était plus faible, Chypre, la Grèce ou même la France n'en seraient pas là.

Très bien, mais la politique monétaire de la zone euro ne peut être optimale pour chacun de ses membres.

C'est juste et cela souligne le problème centrale de la zone euro : c'est qu'elle n'est pas terminée. Pire, on ne fait qu'étendre cette zone euro en intégrant des pays qui se ressemblent de moins en moins. Cela ne peut pas bien fonctionner. L'adhésion à la zone euro a été pour Chypre un cadeau empoisonné. Et maintenant on est en train de lui imposer une règle qui n'a aucun sens et d'aggraver ainsi la récession, le taux de chômage, les déficits et la dette. On peut même déjà affirmer que dans ces conditions les 10 milliards d'euros d'aide qui sont censés être alloués à l'état chypriote partiront très vite en fumée.

Même si la mesure de prélèvement autoritaire sur les comptes bancaires chypriotes n'est pas adoptée [NDLR : quelques heures après cette interview, le parlement chypriote rejetait le projet du gouvernement] ne peut-on pas craindre qu'une telle idée s'acclimate et se banalise peu à peu dans l'esprit des dirigeants européens et qu'elle soit appliquée tôt ou tard ?

C'est là le grand danger. Avec cette mesure, même si elle n'est pas appliquée, la boite de Pandore a été ouverte. Ce projet de taxation des dépôts réactive la crise bancaire. Bien sûr, les banques françaises ont très peu investi à Chypre, on peut donc rassurer les épargnants français, elles ne sont pas en danger mais si on assiste à Chypre à un bank run, une ruée aux guichets des épargnants chypriotes pour retirer leur argent, on verra au moins une banque chypriote faire faillite. Si tel est le cas, la Grèce qui n'en a vraiment pas besoin en ce moment, aura aussi un problème. Si une banque grecque fait à son tour faillite, cela affectera aussi d'autres établissements bancaires ailleurs en Europe : en Espagne, en Allemagne ou pourquoi pas en France. Bref, les banques commencent à peine à sortir la tête de l'eau qu'on la leur remet dans le sac avec cette histoire. C'est stupéfiant.

Comment fait-on pour sortir de cette situation ?

Il faut en premier lieu retrouver une politique monétaire et de changes normale, autrement dit que la BCE abaisse encore ses taux d'intérêt, aide des pays comme Chypre --la BCE dont on doit au demeurant souligner qu'elle était contre ce projet de taxation !

Un projet dont sont à l'origine les Chypriotes eux-mêmes...

Ils n'avaient pas le choix. On leur a dit « il faut que vous fassiez quelque chose de très fort sinon on ne vous donne pas les 10 milliards dont vous avez besoin ». Alors oui, ils sont allés beaucoup trop loin mais je vous rappelle que tous les ministres des Finances de la zone euro étaient là et le FMI aussi. Ce tous sont a priori des gens intelligents, on aurait pu imaginer qu'ils empêchent les Chypriotes d'aller trop loin... Mais non... Et c'est sans doute là le plus grave. Songez à l'image de nous que nous renvoyons au reste du monde. Je vous certifie que les journalistes américains qui m'interviewent nous prennent vraiment pour des fous. Ils me demandent si l'Europe tient à tout prix à avoir son Lehman Brothers. Franchement, notre crédibilité, à nous Européens, n'est déjà pas énorme auprès du reste du monde et nos dirigeants ne trouvent rien de mieux que de ne pas être à la hauteur de la situation.

Votre solution ?

Pour sortir de l'impasse où nous sommes, il faut impérativement que l'euro baisse à 1,15 dollar. Cela permettrait d'éteindre l'incendie, sachant que pour Chypre la parité souhaitable serait plutôt à 0,80 dollar pour un euro. Ensuite, au lieu de ponctionner les épargnants en taxant leurs dépôts bancaires, réduisons d'abord la dépense publique.

Dans l'hypothèse où les Chypriotes font machine arrière, est-ce que la crise est évitée ?

Le problème est que, malgré tout, on a entrouvert la boîte de Pandore, et ce faisant, même si cette taxation des dépôts est abandonnée, on a instillé le doute. Les fonds d'investissement, et pas que les investisseurs russes, je le précise, vont maintenant de toutes façons se demander si cela vaut le coup de laisser leur argent à Chypre. Quand les banques chypriotes rouvriront, il faut s'attendre à des flux de capitaux vers l'étranger. Je rappellerai que, dans les deux premiers mois de la crise grecque, 10 Mds d'euros ont quitté la Grèce, et en l'occurrence les fonds n'étaient pas russes...mais grecs ! La société Sicavonline fait appel à une équipe de journalistes professionnels en charge de la rédaction des articles de www.sicavonline.fr. Les conseils donnés relatifs aux instruments financiers ou aux placements sont en conformité avec la profession et sur la base de sources sérieuses et réputées fiables. La responsabilité d'investir ne saurait être imputée à la rédaction de Sicavonline du fait de leur utilisation.

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