Christophe Dispas, Professeur de Finance à la SKEMA Business School, établit un parallèle entre les évènements actuels et ceux précédant la crise de 2008. Sommes-nous à l'aube d'une nouvelle crise économique d'envergure ?
Les marchés financiers ont été extrêmement chahutés depuis le début de l'année. Crise en Chine, pressions sur le secteur énergétique et inquiétudes sur le secteur financier sont autant d'éléments qui ont rythmé ces dernières semaines.
Aujourd'hui, la question est de savoir si cette volatilité est temporaire ou si au contraire nous nous dirigeons vers une crise, comme en 2008.
Le parallèle avec 2008 est intéressant. Alors que le contexte économique semble encore raisonnablement bon, nous avons vu les courbes de taux s'aplatir et les écarts de crédit s'élargir fortement, particulièrement sur les titres les plus risqués. Cela ressemble furieusement aux éléments précurseurs de la crise financière.
Certains observateurs mettent cela sur le compte de l'irrationalité des investisseurs. Je ne partage pas ce point de vue. Avec un baril proche de 30 dollars USD, le risque de défaut dans le secteur énergétique aux Etats-Unis est réel et l'impact sur le secteur financier est incertain. Tant que cette exposition n'est pas connue, le marché restera sous pression.
Mais quid de l'Europe alors ? N'est-il pas irrationnel de voir les bourses européennes plus malmenées que la bourse américaine alors que les chiffres de croissance restent bons ?
A ce stade, je suis très sceptique sur la croissance européenne. Face à un ralentissement de l'économie mondiale, l'Europe ralentira aussi. La récente baisse du dollar ne fait que renforcer cette évolution. D'autant plus que l'Europe est face à un autre problème de taille : la déroute du secteur financier italien. Les marchés actions ne s'y sont pas trompés avec un recul de plus de 20% du marché Italien depuis le début de l'année. Un défaut dans le secteur financier ne ferait que fragiliser davantage un pays déjà trop endetté. De là à voir un retour de la crise de la zone euro, il n'y a qu'un pas !
Du côté des marchés émergents, la chute des prix du baril de pétrole pourrait conduire certains pays comme le Vénézuela, le Brésil, l'Argentine ou la Russie à la faillite. Le risque d'un choc à ce niveau est relativement élevé actuellement.
La baisse des marchés depuis le début de l'année me semble donc relativement rationnelle et elle reflète pleinement le flux de mauvaises nouvelles qui s'est abattu sur l'économie mondiale. La probabilité de récession a nettement augmenté et les marchés se sont ajustés à cette nouvelle donne.
« Sell the rumour, buy the news » !
Sur cette base, quelles sont les implications en termes de placements ? Je serais tenté de revisiter l'adage et de dire : « sell the rumour, buy the news » !
Tant que les incertitudes sont là, le marché risque de rester en mode baissier. En revanche, si un événement devait se produire telle qu'une grosse faillite dans le secteur de l'énergie, dans le secteur financier américain ou italien ou dans un pays émergent, la baisse qui en suivrait serait clairement un signal d'achat. Une fois la visibilité retrouvée, les Banques Centrales devraient prendre les mesures qui s'imposent. Les taux étant au plus bas, les valorisations étant redevenues attractives, les marchés seraient alors prêts pour un rebond.
Christophe Dispas - Professeur de Finance, SKEMA Business School
Christophe Dispas est Professeur de Finance et directeur du département Finance à SKEMA Business School. Jusqu'en 2014, il était en charge de la gestion obligataire et alternative, administrateur et membre du comité de direction de Degroof Fund Management Company, filiale de la Banque Degroof, la première banque privée de Belgique. Il a 18 ans d'expérience dans la gestion d'actifs et ses domaines d'expertise sont la gestion de portefeuille, les marchés obligataires et la gestion quantitative. Il est détenteur d'un doctorat en sciences économiques et de gestion de l'Université Catholique de Louvain (UCL). Il est également chargé de cours à l'UCL et Professeur Affilié à l'Université de Lille2.
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