1. Accueil
  2. >
  3. S'informer
  4. >
  5. Actualités financières
  6. >
  7. Bourse
  8. >
  9. Une baisse significative des actions est-elle encore envisageable ?

Une baisse significative des actions est-elle encore envisageable ?

09/06/2020 - 16:19 - Sicavonline


Une baisse significative des actions est-elle encore envisageable ?

Alors que les marchés se redressent de façon insolente depuis mi-mars, nous avons demandé à Jacques Lemoisson, responsable des investissements alternatifs et Global Macro chez CBH Bank, s’il existait encore des arguments en faveur d’un mouvement baissier sur les marchés actions ?

VB : Jacques Lemoisson, vous êtes responsable des investissements alternatifs et Global Macro chez CBH Bank. Alors, la bourse est depuis toujours le théâtre d'un affrontement entre bulls et bears, c'est-à-dire les taureaux et les ours, les uns symbolisant les boursiers misant sur une hausse du marché, les autres sur une baisse. Si les bears, les baissiers, ont eu leur moment de gloire avec le grand plongeon des indices entre mi- février et mi-mars est-ce que ceux-ci ne doivent pas désormais s'avouer vaincus ? Pourquoi ? Parce que les haussiers ont pour eux les économies qui commencent à redémarrer, cahin caha, certes mais elles redémarrent, et puis surtout ils ont les banques centrales avec eux...

JL : En effet, pour l'instant, on peut dire que les taureaux ont gagné une bataille. Cela fait déjà quelques années qu'ils gagnent les batailles. Les marchés américains sont proches des plus hauts historiques, notamment sur le Nasdaq et les valeurs technologiques américaines, mais ils n'ont pas gagné la guerre encore, en tout cas pour cette année. La chute du mois de février/mars n'était pas le fruit du hasard, elle était motivée par des fondamentaux. Le rebond est dû à des données techniques et aussi à l'arrivée sur le marché de nouveaux intervenants.

VB : Avant que nous revenions sur ces nouveaux intervenants, ceux qui voient le marché repartir à la baisse soulignent la fragilité de la hausse en pointant la faiblesse des volumes dans lesquels elle s'est réalisée. Est-ce que vous êtes également de l'avis que la hausse est fragile ?

JL : Entièrement. Historiquement dans la finance lorsque des mouvements à la baisse ou à la hausse d'ailleurs se font dans de faibles volumes, on estime qu'ils sont assez peu, je dirais, fiables et donc peuvent être remis en question relativement facilement, ou confirmés, mais en tout cas on peut avoir une invalidation des mouvements très rapidement et très violemment quand les volumes sont faibles, et c'est le cas à l'heure actuelle.

VB : Tout à l'heure, Jacques, vous avez évoqué la contribution de nouveaux intervenants à la bonne tenue des marchés boursiers. Je pense que vous vouliez faire allusion à l'arrivée en bourse de nombreux investisseurs particuliers, ce qu'atteste en France d'ailleurs une étude récente de l'autorité des marchés financiers, mais la France ne fait pas la tendance aux Etats-Unis. Est-ce que là-bas on assiste au même phénomène ?

JL : Oui et les chiffres sont relativement colossaux. On a, selon Goldman Sachs qui a fait cette étude, on a eu un peu plus de 8 millions de nouveaux comptes ouverts auprès des 4 Big Four, les quatre gros brokers en ligne aux Etats-Unis. Pour vous donner un ordre d'idée chez AMTD les volumes  je ne parle pas des nombres de comptes¬ ont été 8,6 fois plus élevés en avril 2020 que le volume de négociation mensuel moyen depuis 2000, c'est un record historique.

VB : Ce sont les volumes de transactions chez le courtier online TD Ameritrade, un courtier on le répète pour les investisseurs particuliers...

JL : Exactement, après on a ETFC aussi qui est broker online dont les volumes en avril 2020 ont été 5,1 fois supérieurs à la moyenne mensuelle depuis 2006. Vous avez aussi Charles Schwab qui est l'un des plus gros brokers online aux Etats-Unis : les volumes en avril 2020 ont été trois fois supérieurs au volume mensuel depuis 2000 ; c'est gigantesque ; et en fait beaucoup d'analyses convergent sur le fait que la Covid a eu un effet accélérateur du nombre de comptes créés, les gens, les particuliers étant pour des raisons sanitaires bloqués chez eux.

VB : Justement, on a quelques statistiques publiées par Factset et CNBC et on observe chez les trois grands courtiers américains que vous venez de citer une explosion des ouvertures de comptes au premier trimestre 2020 dans des volumes très importants puisqu'on a pour chacun d'entre eux entre 350 000 et 610 000 comptes ouverts par des particuliers durant les trois premiers mois de l'année. C'est considérable et ces particuliers vous l'avez dit sont très actifs. Un autre graphique le démontre. Il s'agit des positions en actions détenues par les clients particuliers d'un autre courtier américain à savoir Robinhood, un courtier qui lui a enregistré 3 millions d'ouvertures de comptes au premier trimestre. Et l'on constate une nouvelle fois encore une très sensible augmentation de ces positions en actions à partir du confinement outre-Atlantique : elles ont carrément doublé puisqu'elles sont passées de 15 à 30 M environ. Une autre donnée intéressante a été produite par EnvestNet Yodlee, un agrégateur de compte ; il travaille avec des grandes banques américaines il a donc une vision des comportements de dizaines de millions de ménages américains, et il ressort que beaucoup d'entre eux après réception des aides liées à la crise du Covid, quels que soient leurs revenus ont fait principalement trois choses : augmenter leur épargne, augmenter leur retrait de cash aux distributeurs, et accroître leurs investissements en actions. En tout cas, c'est vrai pour les ménages gagnant 35 000 à 50 000 $ ; 50 000 à 75 000 $ et ceux gagnant entre 100 000 et 150 000 $ par an, donc des ménages avec des profils assez différents...

Une baisse significative des actions est-elle encore envisageable ?



JL : On observe d'ailleurs, c'est un point en macroéconomie sur lequel on va revenir, que pour l'instant, l'argent reçu dans le cadre des aides étatiques est affectés aux comptes de dépôts ; donc ces fonds sont mis de côté pour l'instant et ne sont pas consommés et utilisés ; le deuxième point est le retrait au distributeur qui a atteint des proportions tellement gigantesques en Allemagne que ça a même fait baisser des dépôts et après, aux Etats-Unis chez certaines catégories de salaires, le troisième poste d'utilisation de ces aides se concentre sur le trading actions.

VB : Ce qui validerait votre thèse que la hausse procéderait pour beaucoup de l'activisme des particuliers sur les marchés boursiers.

JL :  Les volumes, on l'a mentionné précédemment, sont très faibles, donc il est facile de faire bouger des marchés. Après vous avez cette masse de nouveaux intervenants, importante qui est aussi scannée, utilisée par des stratégies de suivi de tendance ce qu'on appelle le trend following, et qui ne fera qu'alimenter cette tendance.

VB : En gros, on a des gestions systématiques qui exploitent l'activisme des particuliers.

JL : absolument.

VB : Tout cela peut en effet tendre à démontrer que cette hausse est fragile puisque les particuliers, on le sait très bien, arrivent généralement en masse en fin de cycle, mais est-ce que pour une fois eu égard au soutien colossal des banques centrales, ces mêmes particuliers n'interviendraient pas à bon escient ?

JL : C'est une question sempiternelle de chaque mouvement. Cela me rappelle les années 2000 où on était traité d'imbécile quand on n'achetait pas du France Télécom qui commençait à valoriser sa branche mobile à 10 000 euros par abonné. Cela fait sourire maintenant qu'on le dit mais à l'époque en début 2000 toute personne qui n'achetait pas France Télécom sur ces arguments-là était considérée comme un has been. Donc, maintenant, en effet, on a des indices qui sont poussés sur des plus hauts par des particuliers. En effet, les nouvelles pour l'instant qui alimentent beaucoup la hausse et qui font ces soubresauts à la hausse sont aussi dues aux annonces de nouveaux traitements ou à des essais de vaccins. On voit bien que ce sont des particuliers qui agissent sur le marché parce que généralement il suffit qu'un nouvelle tombe sans explication, sans confirmation des sources, sans confirmation de l'étude, on l'a vu avec la chloroquine, maintenant on parle même de l'arrêter carrément, alors que le marché a bondi dessus. Le marché a bondi aussi sur le Remdesivir de Gilead, on n'en entend plus trop parler pour l'instant. Hier, il y a encore une nouvelle qui est tombée sur une biotech qui serait en phase d'essai humain sur une molécule. Tout ça alimente [la hausse].. (...) il y a des biotechs qui travaillent, on aura, un jour peut-être, un vaccin, même si les spécialistes estiment que le vaccin est très difficile à trouver pour tout le monde étant donnée la typicité du virus mais beaucoup de savants travaillent dessus et il est à espérer qu'on en trouve un mais pour le moment à rien n'est avéré. Or les particuliers et les machines qui les entourent ne font peu de cas de la véracité ou de la profondeur des études. La nouvelle tombe sur 'CNBC' ou sur n'importe quelle chaîne de télévision financière ou sur les réseaux sociaux et les ordres d'achat rentrent de suite, après on verra si c'est vrai ou pas.

VB : Mais en l'occurrence est-ce que ce sont vraiment les particuliers qui font bouger le marché sur ces annonces puisque l'on voit des achats massifs dans la seconde qui suivent une nouvelle. Ce sont plutôt des algorithmes qui sont à la manœuvre non ?

JL : Oui en effet, c'est pour ça, les gestions systématiques sont à la manœuvre, toujours là, et qui en plus profitent de la faiblesse es volumes. Donc, c'est d'autant plus facile de faire bouger les marchés. Les besoins en capitaux sont faibles et en même temps vous avez le flux des particuliers qui vont bouger de plus en plus rapidement, sachant qu'en plus les plateformes de trading de particuliers offrent également l'accès à des algorithmes, utilisent elles-mêmes des algorithmes. Donc, on a un marché qui est tenu par les banques centrales et qui est tenu par l'espoir de nouveaux traitements ou de vaccin et avec des personnes ou des machines qui ne vont pas à regarder forcément derrière ce qui se passe et dès que la première nouvelle tombe sur les écrans, ça achète.

VB : Mais quand on analyse dans le détail le comportement du marché on constate, certes, le rebond des indices et notamment des indices américains mais au-delà de ce rebond on s'aperçoit qu'une bonne partie du marché, à savoir les cycliques au sens large (bancaires et financières incluses) restent complètement déprimées. La différence de valorisation entre ces valeurs décotées, dites value, et les valeurs de croissance atteint même un record comme on le voit du reste sur ce graphique. Il s'agit du ratio prix sur fonds propres des actions croissance du MSCI Monde rapporté à celui des actions Value du MSCI Monde. Le résultat est sans appel. Jamais on n'a eu un tel écart de valorisation en faveur de la croissance et au détriment de la Value puisque l'on a dépassé les records de la bulle internet des années 2000. La croissance se paye plus de 3,5 fois plus que la Value en considérant le ratio prix sur fonds propres ; ça laisse à penser que les marchés prennent bien acte de la sévérité de la crise et de la difficulté à revenir à la situation antérieure. Du coup, si c'est bien le cas est-ce que franchement la baisse ne peut pas n'être que limitée ?

Une baisse significative des actions est-elle encore envisageable ?

 

JL : C'est le schéma de pensée de tous les investisseurs très optimistes depuis 2010/2012 s'appuyant sur la présence des banques centrales : on a des ceintures de sécurité relativement agiles et puissantes, dès lors toute baisse sera forcément limitée. Après il est assez intéressant quand même de voir la surperformance des valeurs de croissance alors que depuis 2008 la reprise économique, en termes de pourcentage de PIB annuel, de croissance, est la plus faible de toutes les reprises historiques depuis la crise de 1929. Donc, on a des valeurs de croissance qui sont littéralement à des niveaux stratosphériques par rapport aux values alors qu'on a un niveau de croissance, lui, qui est le plus bas historique, et même, on a ce ratio qui est au plus haut historique alors que l'on a des PIB dans le monde qui s'affichent à les niveaux de -17,1 .Donc, je veux bien que la bourse anticipe le futur mais là ce ratio dépasse même les plus hauts de 2000 et on sait comment ça a fini et après on a trouvé plein d'excuses, plein d'études qui nous expliquaient pourquoi la bulle avait éclaté. Généralement, ces études je ne les ai pas lues en début 2000. Au contraire, les analystes financiers à l'époque n'arrêtaient pas de surenchérir la valorisation par abonné des futurs opérateurs téléphone mobile.

VB : D'après vous, on est clairement dans un excès en ce qui concerne les valeurs de croissance et c'est vrai qu'elles font la majeure partie de la hausse aux Etats-Unis. Ce sont même cinq valeurs qui contribuent pour l'essentiel à la performance des indices. Toujours la preuve par l'image avec ce graphique qui montre la contribution des GAFAM à la hausse du S&P 500 depuis le 23 mars. Cette contribution des géants de la tech., on peut le dire, ridiculise celle du reste de la cote. Cependant Jacques, vous ne répondez pas tout à fait à ma question. Est-ce que le fait qu'à l'exception des technologiques et de la pharmacie qui est elle aussi à des niveaux de valorisation stratosphérique, la majeure partie de la côte soit en grande souffrance ne nous prémunit pas contre une poursuite de la baisse car cela signifie que marché a intégré la gravité de la crise ?

Une baisse significative des actions est-elle encore envisageable ?



JL : Vous mettez le doigt sur un point important : toute baisse profonde, (je vais faire le raisonnement à l'inverse), toute baisse profonde ne pourra pas être réalisée sans une chute des technologiques américaines. Si les personnes qui voient cette vidéo constatent que les marchés ont baissé mais que l'indice des technologiques américaines n'a pas chuté ou a chuté modérément la baisse sera contenue. Par contre, en raison de la concentration que vous venez d'indiquer, si pour des raisons x ou y, parce qu'un autre actif a explosé quelques part, l'immobilier américain par exemple, ou les crédits dans les pays émergents admettons, si on a d'autres implosions d'actifs quelque part ou par exemple une tension militaire entre la Chine et les Etats-Unis autour de Hong-Kong et de Taïwan, quelque chose, parce que les grands institutionnels (et non des particuliers) disent "ok, on a bien gagné sur ces valeurs-là qui concentrent énormément de nos portefeuilles, on va les vendre pour garder du cash et prendre des bénéfices", là par contre, la baisse peut être d'une extrême violence et très profonde mais tant que ces valeurs technologiques ne reculent pas, toute baisse sera limitée, vous avez raison.

VB : Jacques pour conclure finalement dans quel camp vous vous rangez entre les haussiers et les baissiers ?

JL : Toujours dans le camp de la prudence. En début d'année, j'avais pointé du doigt qu'on pouvait avoir une correction importante et que les banques centrales et les Etats devaient choisir entre la nouvelle politique monétaire qui commence à être un peu à la mode aux Etats-Unis (c'est-à-dire une aide directe des banques centrales et des Etats aux particuliers et aux sociétés) ou alors on gardait le système actuel, et cela passait par une correction importante. La correction est venue en février et mars. Je ne pensais pas qu'on allait avoir un rebond aussi fort parce que, in fine, même si la correction est importante, elle aurait dû être plus importante encore pour retrouver des valorisations ne serait-ce que de 2016, que l'on est très loin d'avoir revue. Pour l'instant, je reste très prudent. Il faudrait qu'on casse les niveaux techniques de 3000 points sur le S&P500, que l'on ait des ré-allocations d'actifs des grands institutionnels, du cash dans des actifs financiers comme les actions et le crédit, pour pouvoir revenir très bull. Pour l'instant, je suis plus pour une approche relative, c'est-à- dire de jouer des actifs contre d'autres, de toujours garder de la volatilité et de l'or, surtout de l'or quelque part, pour la simple raison que si jamais on n'a un mauvais signal, en raison de la faiblesse des volumes, on peut encore se faire très mal.
© Synapse. Les contenus (vidéos, articles) produits par Synapse font appel à des journalistes professionnels. Ils ne constituent pas des conseils en investissement ou des recommandations personnalisées. Le diffuseur n'a participé ni à l'élaboration de ce contenu ni à la sélection des valeurs/fonds mentionnés. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. L'investissement sur les marchés comporte un risque de perte en capital et aucune garantie de gain ne peut être octroyée.

Assurance vie KOMPOZ KOMPOZ un contrat collectif d'assurance vie, accessible dès 500€, parmi les moins chers du marché. +700 supports d'investissement. Vos frais s'adaptent à vos choix d'investissement.
Compte-titres A court ou long terme, avec plus de 2 700 Sicav et FCP disponibles, le compte titres est le support idéal pour développer votre capital.


A lire autour du sujet "Une baisse significative des actions est-elle encore envisageable ?" :




Abonnez-vous à notre newsletter
Actualités financières et patrimoniales, opportunités d’investissement, analyse et conseil.
Pour mieux comprendre les stratégies financières et patrimoniales gagnantes, abonnez-vous :

Articles les plus lus

Abonnez-vous à notre newsletter
Actualités financières et patrimoniales, opportunités d’investissement, analyse et conseil.
Pour mieux comprendre les stratégies financières et patrimoniales gagnantes, abonnez-vous :

SICAV et FCP les plus vus

Retrouvez sur Sicavonline

Assurance vie KOMPOZ KOMPOZ un contrat collectif d'assurance vie, accessible dès 500€, parmi les moins chers du marché. +700 supports d'investissement. Vos frais s'adaptent à vos choix d'investissement.
Compte-titres A court ou long terme, avec plus de 2 700 Sicav et FCP disponibles, le compte titres est le support idéal pour développer votre capital.

Investir avec Sicavonline

Souscription sicavonline

Souscription en ligne

Plus besoin de remplir à la main tous les bulletins de souscription grâce à la pré-saisie ! Gagner en rapidité et en efficacité.

Expert en gestion privée sicavonline

Des frais réduits

Nos équipes négocient avec les sociétés de gestion des frais réduits.
        

Contacter Sicavonline

Des professionnels
à votre écoute

Nos experts sont à votre disposition pour vous accompagner dans vos démarches du lundi au vendredi : 0 805 09 09 09 (appel gratuit)