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Dettes, vieillissement, démondialisation : les défis du monde d'après

15/06/2020 - 11:40 - Sicavonline - La rédac'


Dettes, vieillissement, démondialisation : les défis du monde d'après

Le Covid-19, s’il a indubitablement précipité l’économie mondiale dans une sorte de trou noir, met également en lumière les failles du monde d’hier. Selon Véronique Riches-Flores, présidente du cabinet d'analyse économique Riches-Flores Research, il serait temps de prendre la mesure des grandes tendances à l’œuvre pour espérer sortir de l’impasse et ne pas continuer à foncer dans le mur.

Vincent Bezault : Véronique Riche-Florès, vous êtes économiste et fondatrice du cabinet Riches-Florès Research. Quand survient une crise Véronique, on s'efforce généralement de faire contre mauvaise fortune bon cœur et pour cela on tente de se convaincre que le choc subi conduira à des remises en question salutaires et qu'au final ce sera mieux. Est-ce que d'un point de vue économique, dans le monde d'après qui se dessine, vous voyez vraiment les choses s'améliorer ?

Véronique Riche-Florès : On l'espère mais je pense que dans cette démarche-là, il faut déjà regarder d'où on vient et ce qui pourrait effectivement changer et a contrario ce qui va rester bel et bien en place. Je constate la présence de tendances lourdes, très impactantes et très influentes sur la vie économique qui, elles, vont s'aggraver, au premier rang desquels la dette. Nous savons qu'effectivement pour faire face à cette crise, Etat et entreprises vont s'endetter considérablement. En deuxième lieu, nous devons prendre en considération le vieillissement démographique. Cela fait une dizaine d'années que ce processus de vieillissement démographique mondial a une influence croissante sur nos régimes économiques. Incontestablement il n'est pas impacté par les conséquences de l'épidémie. Le vieillissement démographique va donc influencer notablement nos économies, me semble-t-il, dans les années à venir. Troisième phénomène à suivre, la démondialisation, qui est encore un sujet de débat et pourtant on voit bien que cette crise sanitaire va probablement accélérer ce mouvement qui est au demeurant en rapport avec le vieillissement démographique. Enfin, intervient le stress climatique qui incontestablement est bel et bien en train de se développer et va se poursuivre, et va sans doute avoir de plus en plus d'impacts sur la vie économique.
Donc, finalement, vous voyez que ces phénomènes lourds qui font la vie économique internationale risquent effectivement de rester en place et de ne pas permettre de réduire beaucoup la possibilité de l'avènement d'un monde différent voire meilleur.
Revenons quelques instants sur la dette publique. Aujourd'hui, les estimations d'ici 2021, c'est-à-dire à très court terme, tablent toutes à peu près sur une augmentation du ratio d'endettement des pays de l'OCDE de l'ordre de 30 à 35 %, c'est le fruit des avances faites par les États pour les dépenses sanitaires, pour sauver les entreprises y compris la conséquence des pertes de croissance qui vont peser sur les finances publiques des années à venir. Quant à l'endettement du secteur privé, cela ne présage rien de bon. Lorsque l'on observe les mesures prises par les gouvernements pour sauver les entreprises et passer cette période difficile d'extrême confinement, de paralysie quasiment totale dans certains cas de la vie économique, on voit que beaucoup de ces programmes ont consisté à sauver les entreprises, leur assurer des liquidités, qui dit assurer des liquidités dit prêts, avances, c'est-à-dire endettement, qui bien évidemment va faire que ces entreprises vont commencer un nouveau cycle de croissance, de reprise, avec une charge de dette d'autant plus considérable que leur activité sera également réduite. Donc, n'attendons pas, entre autres, de cette reprise qu'elle soit très riche en investissements parce que les entreprises endettées comme elles vont l'être, (elles l'étaient déjà avant la crise du coronavirus) seront probablement chiches en termes de dépenses d'investissement.

VB :  C'est un point assez important qu'il faut souligner. La nature des dispositifs d'aide sous forme de prêt pèse fatalement sur les entreprises à terme, parce que même si le coût de cette dette est réduit voire nul, elles auront à rembourser le nominal, ce qui obère a priori les perspectives d'investissement, de croissance et leur capacité à développer l'emploi.

VRF : Exactement et pour certaines entreprises d'ailleurs cela risque d'obérer leur survie, leur capacité de survivre en cas de reprise trop lente.

VB : Alors parmi les points que vous avez évoqués Véronique, qui structurent selon vous le monde dans lequel on vit, c'est la démondialisation. Cette démondialisation vous l'avez admis vous-même, tout à l'heure, elle est débattue, certains de vos confrères veulent bien reconnaître le phénomène, mais le minimise en disant que le processus sera lent, façon de dire qu'il aura peu d'effets visibles dans l'immédiat.
Est-ce que vous vous diriez au contraire que la démondialisation est en train de s'accélérer ?

VRF : Je pense qu'elle est véritablement en train de s'accélérer. On en a des preuves régulièrement. Si l'on met de côté l'épisode du coronavirus, la guerre commerciale que se livrent les États-Unis et la Chine est un signe de démondialisation. Le ralentissement de la croissance de la demande de biens au niveau international est un autre facteur de démondialisation. Derrière celle-ci, il y a un élément, me semble-t-il, très structurel qui est lié au vieillissement tout simplement de nos populations et le vieillissement va s'accélérer dans les prochaines années.

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Finalement, quand on regarde ce graphique, représentant la part des échanges mondiaux dans le PIB, il nous montre à quel point on a su développer ce commerce mondial et cette mondialisation. On note également que cette courbe grise est très corrélée à une autre courbe qui est la courbe démographique, celle qui retrace l'évolution de la population d'âge actif dans la population totale et plus on est nombreux, plus on est jeune, plus on a tendance effectivement, cela a toujours été le cas dans l'histoire de l'humanité, à ouvrir les frontières parce qu'on a des besoins, à aller chercher la croissance ailleurs et les capitaux circulent. Au contraire, lorsque le vieillissement s'opère, c'est normalement tout l'inverse qui devrait se réaliser, c'est-à-dire qu'on a, étant plus vieux, moins besoin de biens, donc moins de justification à échanger. En conséquence de quoi, le commerce mondial est moins un challenge ou un défi pour les gouvernants qui n'ont pas forcément besoin de ce commerce international pour croître et vont plutôt être tentés par des politiques de protection, de repli sur soi. Derrière la guerre commerciale qui oppose Donald Trump et Xi Jinping, il y a un vrai phénomène économique lié au vieillissement de la population mondiale, ce qui veut dire moindre croissance de la demande de biens, donc moins d'échanges donc moins de consommation, également de matières premières, une tendance ou une préférence au repli sur soi, c'est classique des phénomènes de montée de l'âge moyen où on a y compris une tendance à la frilosité et à moins de prise de risque et enfin qui dit vieillissement, dit aussi, quand on parle de risque, précisément un moindre appétit pour l'investissement risqué en particulier l'investissement économique. Donc, je pense que, là encore, on va parler de surendettement, de la démondialisation. Il y a également ce processus de vieillissement qui fait partie des choses qui ne changeront pas, qui au contraire vont plutôt s'exacerber et s'aggraver avec la crise du coronavirus.

VB : Ce que je retiens de ce que vous venez de dire c'est que pour vous la phase de mondialisation a correspondu au développement assez phénoménal de la population en âge de travailler entre les années 70 et les années 2000, un peu partout dans le monde, ce qu'on voit avec cette explosion de la part des 15-59 ans au sein de la population mondiale, explosion qui s'accompagne d'une progression au même rythme des échanges de par le monde, ce que l'on peut appeler la mondialisation, maintenant que la démographie s'inverse et qu'on a un déclin de la population en âge de travailler, avec le vieillissement de la population, on aboutirait donc à la démondialisation, une démondialisation qui pour vous, répétons-le, serait au bout du compte un phénomène essentiellement de nature démographique.

VRF : Il me semble qu'effectivement la démographie joue un rôle majeur dans ces tendances d'échanges. Elle a joué un rôle majeur et devrait continuer à jouer un rôle majeur en sens inverse. A partir de là, effectivement, le contexte mondial change, alors on peut dire que cela va provoquer une rupture brutale... Non, en réalité on a déjà commencé à aborder cette phase-là, c'est toute la problématique de la décennie écoulée au cours de laquelle finalement les échanges mondiaux ont crû à un rythme très faible, beaucoup trop faible pour continuer à alimenter une croissance internationale équilibrée. On voit que les difficultés du monde émergent par exemple se multiplient mais qu'y compris nos grandes industries (l'automobile l'aéronautique, etc) sont en difficulté. Je pense qu'il y a là un sujet probablement durable, éminemment liés à ces sous-jacents démographiques et à ce processus de vieillissement qui a débuté ces dernières années.

VB : Vous disiez aussi tout à l'heure que le fait que la population mondiale vieillisse a une incidence négative sur l'investissement dans l'économie réelle. L'idée c'est que comme les perspectives de cette dernière sont moins attrayantes du fait du vieillissement de la population, l'argent va là où l'investissement paraît le moins risqué : dans les marchés financiers ou dans l'immobilier, d'autant qu'en l'occurrence, cela nous le verrons dans une autre émission, la valorisation de ces actifs est soutenue par les politiques actuelles des banques centrales. Quoi qu'il en soit, moins d'investissements dans l'économie réelle, c'est tout de même assez fâcheux pour la productivité et donc pour les perspectives de croissance interne ?

VRF : Tout à fait. Je pense que lorsque l'on intègre le vecteur démographique à l'analyse économique de ces dernières années ou de long terme, on comprend effectivement qu'il y a probablement là un élément essentiel pour comprendre le ralentissement de l'investissement. Le plus faible appétit des entreprises pour l'investissement productif est la résultante de la décroissance ou décélération de la productivité. Donc, finalement, cet environnement conduit au contexte de déflation larvée, dans lequel on évolue ces dernières années avec une croissance nominale de plus en plus ralentie. La conclusion de cela, c'est effectivement par rapport à l'idée d'un monde qui pourrait changer, on voit bien que si on n'a pas des politiques qui viennent complètement corriger à la fois le surendettement ou l'impact négatif du surendettement des entreprises sur l'investissement et l'impact du vieillissement également sur l'investissement, la productivité et la croissance de la demande, alors on aura probablement un scénario de sortie de crise d'abord extrêmement lente, peu satisfaisante. Voyez ici sur ce graph la partie de la courbe faite à main levée avec quelques chiffrages nous permet  d'illustrer sur quel type de scénario nous travaillons aujourd'hui. Ce n'est pas du tout un scénario idéal mais au contraire un scénario dans lequel le monde se remet difficilement de la crise du coronavirus, avec une croissance durablement affaiblie et qui est source de beaucoup d'interrogations sur le futur.

 

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VB : Je précise que le graph ci-dessus illustre le PIB réel par tête en zone euro et on constate en effet que ce PIB réel avait repris un rythme de croissance conforme à celui qui prévalait avant la grande crise financière, c'est-à-dire celui qui correspond à la période allant de 95 à 2008 et que cette dynamique a été cassée bien évidemment avec la crise sanitaire, et d'après vous a priori on ne semble pas bien parti pour récupérer ce que nous avons perdu ?

VRF : Exactement. De crise en crise, nous voyons qu'on ne parvient jamais à récupérer le retard parce qu'en réalité on a eu une tendance ascendante mais nous ne sommes jamais revenus à la courbe bleue du haut. On constate un déficit de croissance qui s'est installé et probablement qu'effectivement aujourd'hui après la crise du coronavirus, nous aurons un nouveau déficit de croissance additionnel, qui va se profiler dans les prochaines années.

VB : Donc, si je résume Véronique, on a un monde de plus en plus endetté de plus en plus vieux ou la croissance qui était déjà déclinante continue à s'anémier notamment avec le vieillissement de la population, la faiblesse de l'investissement et une productivité en berne, et enfin, pour couronner le tout, des problématiques climatiques qui ne font que s'aggraver.

VRF : Tout à fait et, finalement, on comprend bien en abordant les choses un peu différemment pourquoi il y a tellement peu d'investissements. Car aujourd'hui si vous voulez vraiment investir dans l'économie réelle et que vous avez les moyens, le capital pour le faire, vous avez tout simplement beaucoup de difficultés à savoir, à évaluer le risque que vous prenez, et le rendement que vous pouvez escompter, parce qu'on est dans un monde qui change en profondeur et le facteur démographique étant probablement le facteur de changement le plus important, sous-jacent à tous ces bouleversements qui tétanisent énormément la prise de risque en faveur de l'investissement productif. Donc, si on remet ça dans la perspective des changements climatiques et des dangers qui vont avec l'impérieuse nécessité de changer la donne alors finalement on se dit qu'effectivement une politique économique qui viserait en priorité les problématiques environnementales pour redonner de la direction et de la visibilité aux investisseurs et permettre de stimuler la croissance serait probablement l'unique porte de sortie face à la situation actuelle. Et plus tôt ces décisions, qui passent par l'implication du politique dans la vie économique pour redonner du sens et stimuler la décision d'investir dans l'économie réelle, seront prises plus vite elles seront efficaces et je dirais même qu'elles sont aujourd'hui impératives pour envisager un avenir sous un jour un peu meilleur.

VB : Véronique, il y a un point que nous sommes contentés d'évoquer à la marge c'est le rôle crucial, incontournable de banques centrales dans le monde présent et sans doute dans celui de demain. Je vous propose par conséquent que l'on développe dans une deuxième émission les questions que soulève ce rôle prépondérant des banques centrales, une interview que nous mettrons en ligne dans quelques jours.

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