Alexandre Hezez, Convictions Asset Management
Alexandre Hezez est le responsable de la gestion de Convictions AM. Le maintien d'un risque systémique et l'extrême volatilité du marché le conduisent à une grande prudence. Son mot d'ordre : pour se protéger, il est impératif de simplifier les portefeuilles et de conserver du cash.
Non, l'Europe a principalement gagné du temps, soit deux ou trois ans. Cela permettra de mettre en branle des réformes et aux banques de se retourner, mais la situation demeure très compliquée. Prenons le cas de la Grèce. Elle a un déficit budgétaire de 13,6 %, un déficit primaire de 10 %, et une dette de publique de 300 milliards d'euros. Dans de telles conditions, avec une croissance affaiblie par des mesures d'austérité draconiennes -ce qui limitera sa capacité à rembourser-, j'ai du mal à voir comment sa dette ne pourrait pas augmenter et comment l'État grec pourrait ne pas faire défaut. Il faut, à mon sens, se faire à l'idée que la dette grecque sera un jour restructurée. Et le cas de la Grèce n'est pas un cas isolé.
L'Espagne est également très inquiétante avec une dette privée très élevée, dont une grosse partie est liée à la construction, un secteur qui n'a pas fini de corriger les excès de ces dernières années. Le système bancaire espagnol s'en trouve extrêmement fragilisé. Les caisses d'épargne espagnoles sont aujourd'hui complètement vérolées. On peut dans pareil environnement douter également de la capacité de l'Espagne à honorer ses dettes. Et la Grèce et l'Espagne ne sont pas les seules à se trouver dans une situation délicate. Dans une moindre mesure, la France et l'Italie nous inquiètent aussi. Cela a pour implication que le risque systémique ne saurait être pleinement écarté.
C'est vrai, mais le marché peut décider d'attaquer la France avant que les agences de notation ne dégradent la note de sa dette. Les marges de manuvre sont étroites pour l'État français. Les recettes fiscales représentent 35 % du PIB en Espagne, elles s'élèvent à 48 % en France, autant dire que le gouvernement français pourra difficilement accroître leur proportion. Quant aux dépenses publiques, elles représentent 47,6 % du PIB en Allemagne, et 56 % en France, soit 6 points de plus que de la moyenne européenne. Le levier se situe donc là. Mais l'activer sera compliqué.
« Rien ne sert de jouer les héros. La volatilité est extrême sur le marché. (...) Le mieux est de réduire le risque et pour cela de simplifier au maximum les portefeuilles. »
La BCE rachète, certes, de la dette d'État grecque ou espagnole. Cependant, afin d'éviter de froisser l'orthodoxie monétaire allemande et ne pas créer de la monnaie, elle retire, en contrepartie, des liquidités du circuit, des liquidités qui vont manquer aux banques, et, par extension, à l'ensemble du système économique et financier. L'important reste de remettre d'aplomb le système bancaire, de le garder en bonne santé et de rétablir la confiance.
Rien ne sert de jouer les héros. La volatilité est extrême sur le marché. Les places boursières ont reculé de 8 % en moyenne durant le mois de mai avec une journée de hausse à + 10 % ! Faire du trading est franchement à déconseiller. Le mieux est de réduire le risque et pour cela de simplifier au maximum les portefeuilles. Nous avons ainsi réduit quasiment à zéro notre exposition à l'Espagne, au Portugal ou à la Grèce. Nous conservons, en outre, un niveau de cash très élevé, de l'ordre de 26 %.
Si un investisseur me demandait aujourd'hui quel risque il prend en allant sur les actions, je lui indiquerais qu'il court un risque assez fort de perte en capital. Les marchés actions me paraissent correctement valorisés alors que la visibilité sur les bénéfices à moyen terme me semble réduite, compte tenu de la question qui se pose à nous : l'Europe va-t-elle oui ou non connaître le double dip, c'est-à-dire la replongée en récession. Il est difficile de répondre sans hésitation par la négative. Une conviction semble se dessiner cependant : l'Allemagne est ses entreprises vont sortir économiquement gagnantes car l'euro faible, les taux structurellement plus bas et une consommation qui pourrait repartir, c'est pour elle le cocktail idéal. Quoi qu'il en soit, notre exposition aux marchés actions européens ne saurait être que limitée. Nous nous bornons à jouer les grandes sociétés exportatrices de la zone euro, principalement des groupes français et allemands. Autrement, nous investissons dans des obligations françaises et allemandes de dette privée. Le reste du portefeuille est principalement exposé à l'Amérique du Nord et aux devises émergentes.
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