Pour Marc Touati, le risque de contagion sociale de la crise grecque est à prendre au sérieux
La crise grecque demeure au centre de toutes les attentions. Bien que le gouvernement de Georges Papandréou ait obtenu la confiance du parlement, l'issue de la crise est loin d'être certaine. La Grèce fera-t-elle défaut ? La Grèce peut-elle sortir de la zone euro ? Quelle stratégie patrimoniale adopter si la zone euro éclate ? Marc Touati, Directeur associé d'Assya Compagnie Financière, s'est prêté pour Sicavonline au jeu des questions/réponses.
Oui, elle le peut. Mais cela suppose d'étudier la possibilité d'un rééchelonnement, voire à moyen terme d'une restructuration de la dette grecque.
C'est un problème de sémantique. Certains pensent que rééchelonnement de la dette grecque rime avec défaut. Je ne partage pas cet avis. Je pense que le plus important aujourd'hui est de procurer à la Grèce un bol d'air. Aujourd'hui, que fait-on ? Alors qu'elle ne peut se financer par elle-même sur les marchés financiers où les investisseurs exigent d'elle des taux d'intérêt trop élevés, on permet à la Grèce de s'endetter via la zone euro. Cette solution ne fait que différer le problème, elle ne le résout pas foncièrement, car la dette publique ne diminue pas.
Selon moi deux choses doivent être faites pour aider la Grèce à sortir de l'ornière : premièrement, lui donner un bol d'air financier en rééchelonnant sa dette ; deuxièmement, restaurer sa croissance économique. Pour ce faire, il nous faut un euro plus faible (une parité de 1 euro pour 1,2 dollar me paraît plus soutenable) et plutôt que de prêter de l'argent à Athènes, on ferait mieux de mobiliser les fonds communautaires et de les investir dans des secteurs dynamiques et innovants de l'économie grecque afin de créer de la croissance. Aujourd'hui, je le répète, on ne fait que reporter le problème. Pire, en pratiquant l'austérité fiscale, on ne fait que limiter le taux de croissance de la Grèce qui est aujourd'hui en récession.
En l'occurrence, nous touchons là du doigt l'erreur fondamentale. Pour contrer la fraude fiscale, le gouvernement grec a augmenté le taux de TVA. Ce n'est pas en relevant le taux d'imposition que l'on générera une croissance plus forte, c'est même le contraire que l'on obtient, parce qu'en augmentant le taux d'imposition, on crée davantage d'évasion fiscale et puis, surtout, l'on casse le peu de croissance qui subsiste et, du coup, cela réduit l'assiette fiscale. L'assainissement budgétaire est impératif mais il ne passe pas par une hausse des impôts. Il faut selon moi, rééchelonner la dette grecque, relancer l'économie locale par l'investissement de fonds communautaires dans des secteurs dynamiques et innovants, faire baisser l'euro pour redonner de la compétitivité aux Grecs et autres membres de la zone Euro en mal de croissance, privatiser ce qui peut l'être, et réduire les dépenses militaires qui, en Grèce, sont disproportionnées.
L'autre erreur majeure est là. La crise grecque a réapparu sur le devant de la scène voilà trois mois, aussitôt que la BCE a laissé entendre qu'elle allait remonter les taux d'intérêt. Nous sommes face à une véritable contradiction. D'un côté, on souhaite aider la Grèce en s'endettant à sa place, d'un autre côté, la BCE veut monter ses taux d'intérêt, ce qui a enclenché la hausse de l'euro, cassé consécutivement le peu de croissance qui existait et accru les problèmes des Grecs.
J'espère que nous trouverons une issue positive à cette crise mais j'ai le sentiment que nous jouons notre dernière carte. Ce qui m'inquiète, c'est qu'une fois encore le dogmatisme passe avant le pragmatisme. La zone Euro ne peut survivre que si elle devient une zone monétaire optimale avec une parfaite harmonisation des conditions fiscales, réglementaires et un budget fédéral.
Effectivement, c'est pourquoi je ne suis que modérément optimiste. Le risque de contagion m'inquiète grandement. Et en l'occurrence, je veux parler de contagion sociale. Les parlementaires grecs peuvent bien avaliser les mesures d'austérité, si la rue les rejette violemment, il en ira sans doute de même au Portugal, en Espagne et en Italie. La fronde sociale peut inciter les Etats à sortir de la zone euro. C'est un risque à ne pas prendre à la légère et qui me semble aujourd'hui minoré. Qu'on y réfléchisse : l'intérêt pour la Grèce de rester dans la zone euro n'existe que si cela lui permet de se maintenir à flots financièrement en levant de l'argent à des taux d'intérêt plus bas que ceux que lui imposent les marchés financiers, et d'ainsi éviter la crise sociale. Mais si la crise sociale est déjà là, quel argument reste-t-il pour ne pas sortir de la zone euro ?
Je ne comprends pas le discours selon lequel il serait impossible pour la Grèce de sortir de la zone euro. J'admets que cela entrainerait des coûts organisationnels énormes et un sacré capharnaüm pendant quelque temps. Je reconnais aussi que la Grèce aurait du mal à convaincre ses créanciers de lui re-prêter immédiatement de l'argent. Mais dans le même temps, si la crise sociale est extrêmement grave, qu'a-t-elle à perdre ? Pas grand-chose. Bien au contraire, sortie de l'euro, elle peut décider de restructurer sa dette et de n'en payer que 50 %, elle peut aussi dévaluer sa devise et retrouver une compétitivité à l'export. Et si la Grèce suit ce chemin, d'autres l'emprunteront aussi.
Il faudrait s'alléger significativement sur les bons du Trésor car les taux d'intérêt remonteraient alors ; en bourse, mieux vaudrait sélectionner des valeurs avec une dimension internationale et pas uniquement exposées à la zone euro.
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