(AOF / Funds) - Après avoir longuement débattu pour savoir si la prise en compte des critères ESG (environnement, social et gouvernement) pouvait apporter un plus ou un moins en matière de création de valeur, le débat se déplace maintenant vers l'apport intrinsèque de ces critères. Si les fonds ISR ne créent ni ne détruisent pas plus de valeur en moyenne que les indices de référence selon la plupart des études menées, ils se doivent d'être plus vertueux en matière de responsabilité sociale, environnementale et de gouvernance (ESG) afin de justifier leur existence. Les investisseurs institutionnels réclament à ce titre de plus de plus d'informations auprès des sociétés de gestion. "Dans un nombre croissant d'appel d'offres, il faut pouvoir proposer des reportings extra-financiers qui détaillent l'impact en matière d'ESG des fonds ISR, indique François Lett, directeur général délégué d'Ecofi Investissements et responsable de la gestion éthique et solidaire (Groupe Crédit Coopératif). Les institutionnels peuvent ensuite les disséquer et analyser la plus-value ESG apportée par les gérants." Ces informations sont également déterminantes pour les particuliers qui choisissent ce type d'investissement. "Nous recevons beaucoup de courriers de la part des particuliers qui veulent connaître les motifs de nos investissements, relate François Lett. Nous devons dans ce cadre être très transparents et expliquer notre méthodologie. Il s'agit d'un enjeu majeur pour le développement de l'ISR notamment auprès d'une clientèle de particuliers." Depuis quelques mois, les sociétés de gestion ont ainsi mis au point des reportings extra-financiers mettant en avant l'apport de leurs fonds dans ces domaines. "De plus en plus de sociétés de gestion incorporent aux reportings mensuels de leurs produits responsables et durables la note ESG du portefeuille qu'elles comparent à la note ESG de l'indice de référence, afin d'essayer de mettre en avant le supplément de "responsabilité" lié à leur sélection de titres, explique Edmond Schaff, consultant chez Altedia IC. Les initiatives de place telles que le code de transparence de l'AFG ou le label Novethic ont contribué à cette évolution." Natixis Asset Management (NAM) a mis en place il y a environ huit mois un reporting extra-financier pour ses fonds ISR. "Nous indiquons dans le reporting la qualité ISR de notre portefeuille par rapport au benchmark ainsi qu'une opinion ISR pour les principales lignes du portefeuille, relate Hervé Guez, responsable de la recherche ISR chez NAM. Le process de gestion est également détaillé, ainsi que tous les mois un commentaire d'actualité. Ce reporting extra-financier a constitué une avancée majeure et pourra intégrer à l'avenir des améliorations en matière d'évaluation extra-financière." BNP Paribas Asset Management (PAM) délivre également des reportings extra-financiers pour ses fonds ISR, mais à la différence de NAM la société de gestion ne donne pas une note globale à son portefeuille, mais indique plutôt dans son reporting des "indicateurs témoins" qui éclairent ses choix d'investissement. Ainsi pour un fonds investi dans des obligations souveraines, on trouvera par exemple dans le reporting des indications sur le niveau moyen d'émission de CO2 par habitant émis dans les Etats pour lesquels le gérant a sélectionné les obligations souveraines ou encore les dépenses des Etats en matière d'éducation par rapport à la moyenne européenne ainsi qu'une évaluation ESG de tous les émetteurs en portefeuille. Ce type d'indicateur est plus parlant notamment lorsque l'on vise une clientèle de particuliers. "Certaines sociétés de gestion proposent également sur leur site web des informations relatives au bilan carbone de leurs fonds ou à la performance en termes de créations d'emplois des entreprises présentes en portefeuille. Elles estiment en effet que, pour les particuliers notamment, ce type de critères est plus facile à appréhender que la note ESG qui recoupe un grand nombre de notions différentes", explique Edmond Schaff. Cette différence dans la façon dont les reportings extra-financiers sont conçus ne témoigne pas seulement de stratégies marketing ou de cibles de clientèles différentes, mais également des débats autour de l'évaluation extra-financière des fonds ISR. "L'évaluation de l'ISR repose essentiellement sur le scoring (classement des émetteurs en fonction d'une note qui prend en compte des données quantitatives et qualitatives) qui permet de comparer les entreprises entre elles en fonction de critères ESG, explique François Lett. Les mesures directes sont en effet difficiles à mettre en oeuvre car la comptabilité extra-financière possède 100 ans de retard par rapport à la comptabilité financière. A titre d'exemple en comptabilité classique, nous disposons d'une seule unité de mesure : l'euro. Pour l'ISR, les unités de mesure sont multiples : le nombre d'emploi, les kilowaters etc., ce qui complique nettement la comparabilité." Pour pallier ces difficultés, la méthode la plus couramment utilisée consiste à comparer certains indicateurs sélectionnés par les sociétés de gestion à leur indice de référence. "En ce qui concerne les bilans carbone par exemple, le plus simple consiste à comparer le bilan carbone de nos portefeuilles à celui de leur indice de référence", explique Marie Luchet, chargée de développement ISR chez Ecofi Investissements. Outre la difficulté à comparer, l'utilisation d'indicateurs fait plus généralement débat parmi les sociétés de gestion. "On pourrait mettre en place des indicateurs plus précis (évolution des émissions de CO2, des effectifs, etc.) mais la qualité de l'information recueillie est encore trop disparate et souvent ne reflète pas encore correctement la réalité d'une entreprise, avance Hervé Guez. A ce titre, La loi NRE 2 (nouvelle régulation économique) examinée actuellement par les parlementaires pourrait utilement intégrer des précisions quant au reporting extra-financier des entreprises." De nombreux indicateurs doivent en effet encore être affinés et homogénéisés afin d'améliorer la capacité des sociétés de gestion à évaluer les entreprises. "Les bilans carbone peuvent constituer une information intéressante, mais il convient de rester vigilant quant à la méthodologie utilisée, précise Edmond Schaff. En effet les paris sectoriels du gérant, qui sont susceptibles d'évoluer dans le temps, et la prise en compte ou non des émissions indirectes peuvent modifier considérablement les résultats." Le secteur, l'activité et les changements de périmètre doivent également être pris en compte dans l'analyse des entreprises. Par conséquent, les sociétés de gestion ont dû investir pour mettre en oeuvre cette gestion, en recrutant des analystes spécialisés sur l'ISR qui travaillent avec les gérants. Elles utilisent également les analyses effectuées par les agences de notation spécialisées comme Vigeo par exemple, l'une des plus utilisées en France afin de pouvoir cerner, à défaut d'indicateurs homogènes fiables, la démarche des entreprises ou à leur trajectoire en matière de prise en compte des critères ESG. "L'ESG est et restera avant tout une démarche qualitative, elle correspond à une opinion sur une entreprise obtenue par le biais de la recherche interne et en s'appuyant notamment sur le travail des agences de notation, explique Hervé Guez. Nous cherchons à évaluer la capacité d'une entreprise à réagir par rapport à des enjeux environnementaux, sociaux ou de gouvernance. Cela s'inscrit dans une démarche de progrès qui concerne à la fois les entreprises, mais aussi les sociétés de gestion qui perfectionnent leur approche." Ce progrès peut également être obtenu grâce à un dialogue constructif avec les entreprises. "Nous questionnons régulièrement les entreprises sur ce qu'elles font et agissons à ce titre comme un investisseur responsable, explique Marie Luchet. Par exemple, en ce moment, en ce qui concerne les firmes pétrolières, nous les interrogeons sur la question des sables bitumineux. Ce genre de question répétée par de nombreux investisseurs peut amener à terme les entreprises à réfléchir aux conséquences de leur stratégie." L'approche ISR en France finit ainsi par rejoindre celle des investisseurs anglo-saxons, qui n'hésitent pas dans certains cas à interpeller directement les entreprises sur ce sujet. Sandra Sebag
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