(AOF / Funds) - La cause semble entendue : les retraites sont réformées. Mais, par une rare omniprésence du "tout politique", les chiffres du dossier ont été oubliés. Par tous. Passés à la trappe, les chiffres macroéconomiques. Dommage. Pour les connaître, il suffisait d'aller sur le site du COR, Conseil d'orientation des retraites (www.cor-retraites.fr). Trop compliqué. On aurait vu que ce qui était en cause représentait la moitié du PIB français à horizon vingt ans, près de son équivalent à horizon de quarante. On comprend pourquoi nos leaders ont décidé, côté opposition, de ne pas en parler du tout et, côté majorité, d'en parler peu. Ceci a permis au débat de se focaliser sur quelques problèmes autrement plus importants : les femmes ayant trois enfants concernées par la réforme (13 000, sachant que 20 % d'entre elles demandent la liquidation à terme), et surtout la pénibilité. Autant le dire, les économistes du travail sont inquiets devant ce dernier concept. Ils le trouvent flou et évolutif. Dans le cas français, on vient de le voir, il a plutôt servi à organiser une sorte de concession, en faisant écrire dans le texte de loi que les médecins du travail dépendaient de la hiérarchie de l'entreprise, avant de noter qu'ils devaient se coordonner avec elle. Plus intéressant, le taux d'invalidité qui devait être de 20 % pour pouvoir bénéficier d'une retraite avancée passe à 10 %. On comprend qu'une porte s'ouvre... sans aucun calcul. Elle s'ouvre d'ailleurs d'autant plus que les entreprises ne sont pas incitées à faire des efforts pour réduire cette pénibilité. Or la bonne politique des entreprises, et du pays, n'est pas de tenir compte de la pénibilité du travail pour partir plus tôt en retraite, mais au contraire de la réduire pour pouvoir rester plus longtemps au travail ! La première solution aggrave le problème, la seconde le résout. Dit autrement, il n'est pas sûr que le traitement des retraites par la pénibilité soit de nature à traiter le problème, c'est peut-être l'inverse. C'est à ce stade que les économistes de la finance s'inquiètent pour la note AAA de la France. Nous savons tous à quel point elle importe pour réduire le coût de la dette et permettre son financement dans les années qui viennent. Nous devons savoir aussi à quel point elle importe pour l'Europe. Le financement de la dette grecque, on le sait, dépend pour une large part de l'engagement de financement des Etats, pendant deux ans, avec ensuite trois ans de grâce. Mais il n'y a pas que cela : plus de 450 milliards d'euros devraient être mobilisables si d'autres pays en avaient besoin. On sait qu'il s'agit de l'Irlande, mais on ne peut exclure l'effet domino. Si un tel scénario noir se déroule, qui donc, à la fin des fins, tient le système de sauvetage des Etats en Europe ? Réponse : les deux plus gros. Et que se passe-t-il si les agences s'inquiètent de la solidité de l'un des deux, au prétexte que sa dette sociale non seulement ne se réduit pas, mais augmente ? Avec en sus une réticence forte à faire des efforts pour pérenniser son propre système de retraite ? Ceci au moment même où l'Allemagne demande aux financeurs des pays d'assumer plus de risques ? Bien sûr, le lien n'est pas direct entre la pénibilité du travail (qui n'existe qu'ici, bien sûr), la situation des Grecs ou des Irlandais, et les conditions de notre sortie de crise. C'est toujours ainsi quand les tensions montent. Elles sont séparées avant, réunies après. C'est alors qu'on verra que nous n'avons pas préparé notre sortie de crise, pas davantage celles des autres, et notre autorité européenne en sera d'autant plus affectée. La capacité à comprendre l'économie, c'est la capacité à intégrer les enjeux, en se projetant. Seule la prise en compte d'un temps plus long permet de comprendre les vrais risques, les vraies solutions, et par différence de faire naître les vraies solidarités. C'est le travail des économistes d'aider à voir plus loin et de dire des chiffres. C'est la responsabilité des décideurs politiques et sociaux de ne pas les mettre sous le boisseau. Avec le dossier des retraites - notre vivre-ensemble est en jeu, avec la pénibilité - c'est la responsabilité sociale des entreprises, avec le AAA, c'est la confiance que nous font les autres, avec les engagements que nous prenons entre Européens - ce sont des risques nouveaux que nous assumons. Si nous sommes sérieux, il faut y aller, et les marchés payeront d'avance. Mais si c'est par fantaisie, alors, ce n'est pas drôle ! Par Jean-Paul Betbèze, chef économiste, Crédit Agricole AUT/CHR
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